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Crevettes, deux ou trois choses d'elles...

Rubrique : Vivant
Auteur : JLC
Niveau : Débutant


Les crevettes sont des pensionnaires incontournables des aquariums récifaux et dans nos nano récifs certaines espèces sont particulièrement à leur place. De petites tailles, elles produisent peu de déchets et leur prédation est généralement compatible avec les autres invertébrés de l'aquarium. L'aptitude à se déplacer dans les trois dimensions leur donne un attrait supplémentaire qui permet de se passer de poissons sans pour autant avoir un aquarium trop statique. Elles réservent également d'autres surprises, voici deux ou trois choses d'elles…

Biologie, traits généraux

Embranchement : Arthropodes
Classe : Crustacés Sous-classe : Malacostracés
Ordre : Décapodes Sous-ordre : Crevettes

Brièvement, un peu de biologie : Les crevettes sont des arthropodes de la classe des crustacés. Elles sont caractérisées par un exosquelette chitineux rigide. (petit hommage à R. Zelazny). Cette carapace ne grandit pas avec l'animal, et impose une mue véritable et régulière, période pendant laquelle le crustacé est vulnérable. Pendant cette phase il reste caché pour échapper à d'éventuels prédateurs. Ne vous étonnez donc pas de la discrétion atavique des crevettes, parfois ces animaux demeurent complètement invisibles pendant quelques jours. Ne vous alarmez pas non plus en découvrant une dépouille (nommée ecdysie) reconstituant un animal complet, ce n'est probablement qu'un reliquat de la mue (exuvie). La reconstitution cyclique de l'exosquelette se poursuit après la phase de croissance, perdurant, en s'espaçant progressivement, durant la vie de l'animal. Selon l'espèce, l'âge, les conditions, la mue intervient à des périodes variables, de 15 jours à quelques mois. Cette production nécessite d'apporter au crustacé une alimentation riche et variée pour éviter les carences. La composition de l’eau doit également être conforme aux besoins généraux des animaux calcificateurs, ceux-ci puisant directement de l'eau les minéraux nécessaires à leur métabolisme. Les taux de carbonates, calcium et magnésium seront donc maintenus à leur valeur optimale. Un apport régulier de petites doses d’iode est bénéfique à l’animal, surtout dans le cas d'une base alimentaire qui en est dépourvue. L'avantage de la mue pour l'animal est la possibilité de régénérer d'une mutilation ou une déformation.

Les crevettes sont des décapodes, c’est à dire, des êtres munis de cinq paires de pattes ambulatoires. Elles sont portées par le céphalothorax. Le rostre comprend les organes buccaux et les organes sensitifs, yeux et antennes tactiles. L'abdomen long et articulé est pourvu de pattes nageuses, il se termine par l'éventail caudal. Tout cela assure à l’animal de multiples possibilités de nages, de marches ou de sauts rapides lui permettant l’investigation de son environnement.

Les crevettes sont sexuées, certaines mènent une vie de couple. Quelques espèces sont hermaphrodites (les Lysmata par exemple) ce qui facilite pour l'aquariophile la constitution d'un couple reproducteur. La femelle conserve les œufs sous son abdomen de 10 à 20 jours jusqu’à éclosion des larves (nauplies). L’élevage en aquarium n’est pas impossible mais délicat. A défaut d'élevage, que vous vous devez tenter un jour ou l'autre, cela constitue un apport planctonique bénéfique dans un aquarium chroniquement en déplétion de tels nutriments.

Le régime alimentaire des crevettes d'aquarium est généralement omnivore. Bien entendu il y a des exceptions, par exemple la jolie Hymenocera elegans, ou crevette arlequin, qui se nourrit exclusivement d'étoiles de mer. La maintenance de cette dernière est évidement réservée aux aquariophiles passionnés et motivés par la difficulté extrême. Mais ce peut être aussi un moyen de contrôler un envahissement de l'aquarium par des Asterina. Rappelez-vous la que la règle de prudence est d'éviter les achats impulsifs d'animaux dont on ne connait pas le mode de vie, cela évite les mauvaises surprises... Heureusement le nourrissage des espèces conseillées ne pose pas de problème particulier, les pièces masticatoires acceptant l'ingestion de tous types de nourritures. Les crevettes vendues en animalerie sont particulièrement opportunistes. Celles recommandées pour les aquariums récifaux ne sont qu’exceptionnellement prédateurs d’invertébrés fixés, cependant, si la nourriture fait défaut, il ne faut pas leur tenir rigueur de chercher de quoi survivre. Pour éviter un trop fort pillage des ressources, vous devrez apporter régulièrement des aliments aux crevettes. Les reliefs des repas destinés aux poissons peuvent suffire s'ils sont abondants. Le décor rocheux sera pourvu de zones refuges pour préserver les petits organismes de leur appétit. Les crevettes jouent également le rôle de détritivores en éliminant les animaux morts ou affaiblis, c'est une fonction écologique intéressante même si elle semble parfois cruelle. En revanche il ne faut pas attendre une aide très efficace de leur part dans le contrôle des algues inférieures, celles-ci sont consommées avec un peu moins d'ardeur.

L’animal à des préférences pour des activités nocturnes. Sa vulnérabilité en période de mue le rend prudent, discret, voire furtif pour certaines espèces. Quelques unes, Alpheus spp Periclimenes spp notamment, ont développé des symbioses, ou partenariat, afin de s'assurer une protection complémentaire. D'autres sont identifiées par les poissons comme des alliées pour lutter contre leurs parasites, ce qui réduit le nombre de leurs prédateurs. La reconstitution en aquarium d’une de ces associations est toujours passionnante à observer. Pour les étudier dans de bonnes conditions, le décor comportera des grottes, faites à l'aide de pierres vivantes, lieux abrités de la lumière qu’affectionnent particulièrement les crevettes. Celles-ci se tiennent souvent 'à l’envers' sous les surplombs. Ceux-ci sont donc orientés vers le devant de l’aquarium. En absence d’abris, les crevettes demeureront le plus souvent cachées à l’arrière du décor. Dans le cas de reconstitution de symbioses, l'aquarium correspondra au mieux au biotope typique de l'association.

Les invertébrés sont des animaux sensibles aux changements de leur environnement aussi le protocole d’acclimatation doit être scrupuleusement observé lors de l'introduction qui suit l'achat. CF : Une procédure d'acclimatation en 4 étapes. La période d'introduction est sans conteste une phase critique à ne pas négliger, pour le reste ce sont des animaux résistants.

Pour finir cette rapide 'bio', j'ajoute que leur survie en aquarium est de un à cinq ans pour les espèces courantes. Durée, que l'on peut estimer courte, compensée par les autres qualités de ces animaux dont, pour nous nanorécifeurs, l'aptitude à vivre dans de petits aquariums.

Quelques espèces communes en aquarium

Lysmata amboinensis famille des Hippolytidés
Nom vernaculaire : 'Crevette barbier à bandes blanches'. Le nom commun provient du fait que ces crevettes sont des 'déparasiteuses' des poissons. L’attitude du poisson et de la crevette lors de l’opération fait penser effectivement à une séance chez un barbier. Cette fonction rend service dans les aquariums de grand volume pour l'hygiène des poissons mais est peu constatée dans nos aquariums à l'exception de phases parasitaires déclarées, comme celles consécutives à une introduction d'un nouveau poisson. Le comportement de 'déparasitage' est malgré tout facilement observé en mettant la main dans l'aquarium quelques secondes sans bouger, rapidement la crevette vient faire un peu de nettoyage !
Les élégantes crevettes Lysmata et particulièrement L. amboinensis sont les hôtes privilégiés de nos aquariums récifaux. Faciles à nourrir, tolérantes, il est aisé de constituer un couple. C'est un excellent choix pour le novice dans la maintenance de ces animaux. L. amboinensis peut mesurer jusqu’à 7 cm. Un aquarium d'un minimum de 50 litres, mais de préférence 100 litres, comportant un décor rocheux et de nombreuses caches est idéal.

Lysmata debelius famille des Hippolytidés
Nom vernaculaire : 'Crevette barbier pourpre', la raison est ici facile à deviner. Les remarques générales concernant L. amboinensis sont valables pour L. debelius. Cette crevette est plus éclatante que la précédente mais demeure malheureusement plus discrète. Elle peut être conservée également en couple. Taille jusqu’à 8 cm. Un choix alternatif à L. amboinensis pour le débutant comme pour l'expert.

Lysmata wurdemani famille des Hippolytidés
Cette crevette est un excellent détritivore qui s’attaque aux anémones parasites Aiptasia, ou anémones de verre. Cette réputation (non usurpée) lui assure un bon succès dans les bacs. Cependant son comportement, par trop discret, et sa robe sont beaucoup moins attractifs que ses consœurs amboinensis ou debelius. Elle peut être confondue facilement avec d’autres crevettes qui ne seront pas efficaces dans l’éradication des anémones Aiptatsia ce qui donne une grande déception chez l’amateur. Peut être conservée en couple. Taille jusqu’à 4 cm. A choisir sans hésiter pour lutter de manière bio (il faut être patient) contre les anémones Aiptasia.

Thor amboinensis famille des Hippolytidés
Nom vernaculaire : 'Crevette symbiotique des actinies', ce surnom provient de son comportement symbiotique avec les anémones de mer et aussi 'Sexy shrimp', qui provient de la position surélevée et des mouvements de l’éventail caudal.
Cette minuscule crevette est une perle pour nos nano-récifs, en effet le microcosme est propice à leur contemplation. Elles sont perdues dans un aquarium de grand volume alors qu'un petit bac permet de les localiser plus facilement. Leur excessive petite taille en fait une proie facile pour bon nombre de poissons. Afin de s'assurer une protection, elles ont développées une relation symbiotiques avec les anémones (Phymantus sp. par exemple). Dans l'aquarium, et en absence de prédateur, un corail de substitution permet de s’affranchir de la contrainte supplémentaire du maintien de l'anémone. Un corail mou de la famille des Actinodiscidés ou un corail dur à large polype comme celui des Euphyllia convient bien. Les Thor sont de préférence conservées en groupe de trois à cinq individus. Leur taille est vraiment petite, souvent moins d'un centimètre au moment de l'achat, 2 cm une fois adulte. C'est donc une crevette à l'échelle nano qui peut être placée dans un aquarium à partir de 30 litres comportant un corail de substitution.
CF. Thor amboinensis (De Man 1888)

Alpheus spp famille des alphéidés
Nom vernaculaire : 'Crevette pistolet'. Ce surnom provient du claquement sonore que la crevette peut émettre avec sa pince hypertrophiée. Ce claquement assez inoffensif peut étourdir une petite proie, il sert aussi à effrayer un ennemi. Ce claquement sec (tac-tac), est parfois confondu avec celui de la crevette mante Odontodactylus Scyllarus, autrement dangereux prédateur.
Cette crevette s’identifie facilement par la différence considérable de taille entre ses deux pinces principales. L’une semble hypertrophiée et menaçante, cependant la taille générale de la crevette fait que l'animal est peu dangereux sans être totalement exempt d'inconvénients. Cette jolie crevette, parfois introduite involontairement par le biais des roches vivantes, ce qui est une chance. Elle est recherchée pour son curieux comportement de commensalisme avec différents gobies, notamment des genres Ctenogobiops et Stonogobiops. Les deux partenaires s’épaulent mutuellement dans l’élaboration de leur terrier : La crevette Alpheus, quasiment aveugle, est chargée des opérations de terrassement pendant que le poisson surveille les abords de la galerie. Tous les deux s’y réfugient en cas d’alerte. En aquarium, pour faciliter le travail de la crevette, il faut choisir un sable qui ne soit ni trop fin, pour ne pas s’ébouler sans cesse, ni trop grossier pour être manipulable. Il est préférable d’acheter un couple symbiotique déjà formé car tous les gobies ne s'associent pas avec les crevettes Alpheus et chaque espèce de gobie a sa crevette préférée. L’observation du couple formé par des animaux d'espèces différentes est captivante. Leur petite taille (4 cm pour la crevette, guère plus pour le poisson) est compatible avec nos nanorécifs. Un aquarium spécifique est conseillé, le spectacle des deux protagonistes suffit à le rendre intéressant. Le biotope sera évidement caractérisé par la présence du substrat ad-hoc.

Periclemenes spp famille des palémonidés
Nom vernaculaire : 'Crevette symbiotique'. Surnom non usurpé, bien que les associations soient plus souvent réellement des carposes, car seule la crevette tire bénéfice de la vie commune mais sans toutefois importuner son hôte. Cette famille est donc championne des symbiotiques puisqu’elle s’associe, selon les espèces, avec anémones, nudibranches, holothuries, oursins ou étoiles de mer ! Cette relation sert de camouflage à la crevette dont la couleur et le motif sont souvent en relation avec ceux de l'hôte. Periclemenes soror est, par exemple, exactement du même bleu que son hôte, l'étoile de mer Linkia laevigata, et se distingue qu'à peine une fois sur l'étoile. L'intérêt de telles joyaux dans un petit aquarium est dés lors évident mais il faut se procurer un couple symbiotique formé ce qui relève d'un coup de chance. La petite taille de l’animal et son aptitude à se dissimuler sur son hôte font qu’un nano aquarium spécifique est nécessaire pour son observation dans de bonnes conditions. Les sujets symbiotiques des anémones sont les plus fréquents et les plus aptes à la maintenance en aquarium, les autres hôtes sont particulièrement difficiles à maintenir et sont réservés aux experts dans ce domaine. La taille de l'animal va de 1 à 3 cm. Un aquarium de petite taille suffit donc pour la crevette. Cependant le biotope reconstitué dépend aussi de l'hôte, un fond sableux convient bien à la plupart des anémones commensales. Un minimum de compétence et des soins attentifs sont nécessaires pour sa conservation.

Rhynchocinetes spp famille des Rhynchocinetidés
Nom vernaculaire : 'Crevette chameau' ou à 'crevette à bosse', nom qui provient de la forme caractéristique de leur dos. Autre appellation commune 'crevette danseuse' qui provient de son déplacement caractéristique fait par mouvements saccadés.
Ce sont encore des crevettes nettoyeuses mais le comportement est nettement plus prédateur des petits organismes ce qui fait qu’elles sont moins recommandables dans un aquarium récifal. Elles s’attaquent facilement aux vers tubicoles et parfois même aux invertébrés fixés. Un aquarium spécifique est vraiment préférable pour leur maintenance ou bien un aquarium peuplé d'invertébrés robustes. Elle peut alors être conservée en groupe sans problème. Taille jusqu’à 4 cm. Pour aquariums d'un minimum de 50 de litres.

Stenopus hispidus famille des Stenopodidés
Nom vernaculaire : 'Crevette boxeur', ce nom courant provient de son attitude, toujours menaçante ou sur la défensive et de ses pinces de bonne taille quelle présente comme des poings. J’affectionne particulièrement cette espèce que je ne recommande cependant pas sans réserve. Celle-ci a en effet un caractère assez susceptible, et même agressif, ce qui la rend incompatible avec les petits poissons et même avec d’autres invertébrés. Pour cette raison, elle est très généralement tenue solitaire dans un aquarium récifal de bon volume et en compagnie de poissons de grande taille. C’est aussi une crevette déparasiteuse, cependant ce comportement est rarement observé en captivité, ceci est principalement du à l'absence de poissons de grande taille déparasités en milieu naturel, murènes par exemples. Elle peut être conservée en couple si celui-ci est déjà formé au moment de l’achat. Le couple restera alors indéfectible. Prenez garde, si ce n’est pas le cas, cette crevette, excessivement territoriale, tuera tout spécimen de son espèce placé dans l’aquarium. C'est une crevette d'un comportement intéressant et digne d'intérêt malgré ses petits défauts. De plus grande taille, puisqu'elle atteint 7 cm, ses pinces lui donnent une envergure impressionnante. A réserver aux aquariums d'un volume minimum de 100 de litres composé d'un décor rocheux comportant de nombreuses caches.

Odontodactylus Scyllarus famille des Stomatopodés
Nom vernaculaire : 'Squille', 'crevette mante' surnom qui provient du caractère éminemment prédateur de l'animal, sorte d’Alien de l’aquarium. Appelée encore 'crevette paon', pour les multiples couleurs de sa carapace. Parfois introduite en passager clandestin par le biais des pierres vivantes cette pseudo-crevette est souvent considérée comme une plaie. Très furtive il est difficile de l’apercevoir dans l’aquarium communautaire. En revanche elle se signale par les claquements sonores, réellement puissants, causé par le 'marteau' situé sous son abdomen, destiné à assommer ses proies. Ce bruit ne doit pas être confondu avec celui, bien plus innocent, des crevettes pistolets. Ici la mise en garde n’est pas surestimé, l’animal est réellement puissant et n’a sa place que dans un aquarium spécifique. Le soigneur doit faire très attention lors des manipulations dans l'aquarium car les blessures peuvent être sérieuses et le réflexe d'attaque est imparable. Avec la 'squille' nous sommes loin des tranquilles Lysmata ! Son observation est néanmoins fascinante pour certains. L’animal est effectivement doté d’un comportement qui s’avère organisé et même intelligent. Il est également doté d'une vision très performante. Bien entendu vous ne pourrez conserver qu'un spécimen dans un aquarium réservé à cet unique usage. La taille de l'animal va jusqu’à 18 cm. Si vous en désirez un, vous trouverez probablement un généreux donateur qui sera ravi de s'en débarrasser. Si vous avez un spécimen non voulu avec vos pierres vivantes capturez-le, mais ne le tuez pas, vous trouverez probablement un amateur intéressé !

Autres iconographies et liens internet :
http://users.skynet.be/ThomasD/article/crevette.htm
http://www.coralreefnetwork.com/stender/marine/arthropods/shrimps/shrimps.htm
http://mantis-shrimp.crazy4us.com/index.htm


Crédits photographique :
Linuen (L. Debelius)
Richard Parisot (Thor)
Stéphane Saulnier (Rhyno)
Ludovic Faccin (Alpheus soror)
Steve thiébaut (Periclemenes brevicarpalis)
Erwin Kodiat (ontodactylus Scyllarus)
Jean-louis Cuquemelle (autres photos)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Les squilles forment une large famille de crustacés qui n'ont rien à voir avec les crevettes. Il y a bien plus de points communs entre les crabes et les crevettes (deux groupes de décapodes) qu'entre crevettes et squilles (stomatopodes).

Noctiluca

JLC a dit…

C'est tout à fait exact, cependant il me semblait intéressant d'évoquer cet animal ici.