Mensuel internet des micro et nano aquariums récifaux

Ah, ces horribles vers !

Rubrique : Vivant
Auteur : Ron Shimek (traduction JLC)
Niveau : Débutant


Voici la traduction d'un article de Ron Shimek à propos des vers polychètes errants nommés communément 'vers de feu', de leur rôle dans l'aquarium récifal et de l'attitude à tenir lors de leur découverte. Ron nous fait réfléchir sur la décision de conserver ou non un animal dans l'aquarium
naturel fondé essentiellement sur un équilibre biologique. En écartant les informations non vérifiées ou les sentiments de répulsion qu'il peut provoquer. L'affreux ver est un exemple, le hasard place de nombreux organismes détritivores dans l'aquarium et très souvent ces animaux à l'aspect souvent étrange et même inquiétant s'avèrent utiles dans le fonctionnement de l'aquarium.

Ah, ces horribles vers ! (deuxième partie)

Ver polychète

Quoiqu'il y ait beaucoup d'espèces de vers polychètes errants et que beaucoup d’entres eux peuvent potentiellement se retrouver dans les aquariums récifaux, les plus communs sont les 'vers de feu'. Lorsque l'aquariophile découvre leur présence, il pense « Oh, oh, cet animal avec ‘feu’ dans son nom ne me dit rien de bon... » Et l'aquariophile a raison sur un point. Leur pouvoir urticant. Les vers de feu ont effectivement développé des soies défensives externes faites de carbonate de calcium. Elles se terminent par des cavités remplies de venin. Si la soie est touchée, la pointe dure déchire le tissu de l'agresseur et le venin est libéré ce qui lui cause une sensation brûlante. Un exemple : Si un poisson tente de manger un ver du feu, il obtient cette sensation cuisante. Le résultat est qu’après une ou deux tentatives, le poisson n'essaye plus de manger un ver de feu même s’il est affamé. La morale de cette histoire pour l’aquariophile est claire : Premièrement ne mangez pas les vers de feu ! En fait, laissez-les tranquilles et vous ne serez jamais blessé. Si vous devez les manipuler, portez des gants ou utilisez des pincettes pour éviter de vous injecter le douloureux venin. C'est la fin du mythe numéro 1 : Ils ne sont pas vraiment dangereux... tant que vous ne les mangez pas ( !) et s'ils sont manipulés correctement.

Que mangent-ils dans l'aquarium ?
Parmi les milliers d'espèces de vers polychètes errants, il y a certainement des variétés qui mangeront de tout. Les plus impressionnants sont probablement les vers du genre Eunice. Ces animaux impressionnants peuvent atteindre 2.5 centimètres de diamètre, et jusqu'à 15 m de longs. D'après les informations collectées, ils peuvent se projeter vers le haut à dix centimètres hors du sable pour s’enfouir d’un coup sous le sable. Cela ressemble aux 'vers des sables' de l’univers de Dune…
Eunice sp. est un ver assez peu recommandable, sa taille peut le rendre incompatible avec sa conservation dans l'aquarium et il faut vraiment le surveiller de près...
... Tout comme Hermodice carunculata, un véritable prédateur.

De temps en temps, les spécimens d'Eunice ou des variétés proches, sont retrouvés dans les aquariums récifaux, lors de l’installation des roches vivantes, et ils peuvent poser de réels problèmes. Cependant, la plupart des vers polychètes ne sont pas Eunicidés ! Non seulement la plupart des vers ne posent pas de problèmes, mais ils sont, au contraire, franchement salutaires. Le mythe qui dit que tous les vers de feu sont dangereux dans les aquariums récifaux est le résultat d'un manque d'information ou de désinformation. Les espèces de vers de feu, Hermodice carunculata, sont connues depuis longtemps pour manger des coraux, en particulier les gorgones. À la différence de la plupart des vers, Hermodice est protégé contre la prédation et est généralement vu alors qu’il se nourrit. Dans les forums, les rumeurs circulent vite, et si un amateur affirme : « Hermodice est un ver de feu, Hermodice mange les coraux, alors tous les vers de feu mangent les coraux. » Il s'agit d'un sophisme et la conclusion se heurte à la réalité. La plupart des vers de feu ne mangent pas des coraux ; en fait, il s'avère que la plupart des vers de feu, et plus particulièrement les variétés d'Eurythoe et de Linopherus, qui sont aussi les plus couramment rencontrés dans les aquariums récifaux, ne mangent rien de vivant. Ces animaux sont de véritables détritivores utiles et très bénéfiques à celui qui à la chance d’en posséder dans son bac.

Les vers de feu communs sont les meilleurs membres de l'équipe de détritivores que nous puissions avoir dans nos aquariums. Ils mangent la nourriture non consommée, les détritus, et les individus morts ou affaiblis. Jamais ils ne s’attaqueront à un organisme en bonne santé. En revanche, ils localiseront et dévoreront un animal blessé dans l'aquarium car ils sont excessivement sensibles aux effluves libérés et très performants dans la recherche de nourriture. Ils trouveront rapidement les animaux morts ou malades et enlèveront toutes traces de leur présence dans un temps très court. Leur capacité de recyclage est fantastique et c'est probablement une cause du mythe qui affirme qu'ils mangent les proies vivantes. En effet, la plupart des invertébrés marins ne donnent pas de signes avant coureurs de mauvaise santé et semblent être en bonne forme juste avant de succomber, par exemple, s’ils meurent de faim. Lorsque l'animal succombe finalement à la malnutrition ou est très affaibli, les vers commenceront leur travail. Si l’aquariophile voit cela se produire dans son aquarium, il ne juge pas les vers comme des alliés mais comme de répugnants vers dévorants son spécimen rare et chéri. Catastrophe ! Il pense que les vers ont tué et mangé son animal favori ! Bien que la dernière partie de cette conclusion soit vraie, la première est fausse et l'animal était déjà mort ou très affaibli. Car, encore une fois, ces vers ne s'attaquent jamais et ne tuent pas les animaux en bonne santé. Même avec les bivalves comme les Tridacna. Tous ces « faits avérés » sont très souvent des exemples de mythologies colportées sur les forums.

Ce que font les vers de feu, et ils le font bien, est la consommation de nourriture distribuée en excès et le rôle de charognards. Ces deux fonctions sont essentielles dans la maintenance des aquariums récifaux, où le temps est compté dès lors qu'une surcharge organique apparait. Le risque de pollution est toujours important dans un aquarium. Les salutaires vers de feu sont les sujets les plus performants pour régler cela et ils sont facilement disponibles pour que les amateurs maintiennent leurs aquariums propres et fonctionnels. Tout aquariophile doit réaliser que la quantité « de nourriture excessive » permet d’accroître sa population de détritivores, lui donnant ainsi une marge de sécurité en cas de pollution accidentelle. Puis, il doit réfléchir à ce qui arriverait dans le cas d’une absence de ces précieux auxiliaires. Dans cette hypothèse, la nourriture excédentaire serait décomposée et polluerait l'aquarium, la mort d’un poisson serait une catastrophe qui entrainerait la chute de l’aquarium.

La morale de cette petite histoire est que beaucoup de croyances ont la vie dure et que les informations non vérifiées se propagent rapidement sur les forums. et deviennent l'opinion commune Ce sont souvent des légendes. Dans ce cas précis, les vers « horribles » sont, non seulement fortement salutaires, mais, dans la plupart des cas, absolument nécessaire pour l’équilibre biologique du système.

Ron Shimek (traduit par JLC, désolé Ron)

La lecture de l'article dans sa version originale est disponible sur le site de Marine depot
Voir aussi sur nanoZine : microfaune de nos nanos enquête sur un polychète

Aucun commentaire: