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Pourquoi climatiser l'aquarium récifal

Rubrique : Technique
Auteur : JLC
Niveau : Débutant

Introduction

Ce petit article aborde les différents aspects théoriques de la problématique ‘température’ pour vous aider à réaliser la meilleure climatisation de votre nano.

Le montage d’un aquarium récifal nous fait rapidement prendre conscience des étroites interactions entre physique, chimie et biologie. Une modification, même mineure, d’un paramètre influant sur les autres.
Les organismes marins ont évoluées pour s’adapter à des environnements bien précis que nous devons reproduire avec la plus grande exactitude si nous voulons les conserver. Parmi les différents écosystèmes marins, les zones récifales sont les plus faciles à reproduire, notamment à cause de leur température élevée, plus simple à contrôler dans nos appartements que celles des régions froides. La marge de manœuvre est malgré tout réduite et nécessite une attention particulière de notre part.

Température et activité biologique, actions sur le métabolisme des organismes
L’action de la température à un rôle important sur des paramètres tels que :
  • La modification des constantes de vitesse de plusieurs réactions chimiques,
  • Le déplacement de l'équilibre carbonate-bicarbonate,
  • La variation de l'équilibre ammoniac –ammonium,
  • L’augmentation de la quantité d'ammoniac, …
La température agit aussi directement sur le métabolisme des êtres aquatiques. Ainsi une température élevée favorise l’activité bactérienne, favorise la croissance des coraux, accèlere la respiration des poissons, etc.
Les conséquences d'une élévation de température sont multiples pour les animaux :
  • Consommations accrues d’oxygène, de minéraux, d’iode, de calcium,
  • Dégagement de CO2, production de plus de déjections, …
Globalement on peut dire que la vie va plus vite et plus fort, à l'inverse une température trop basse entraînant un ralentissement biologique, une régression pouvant être mortelle si une limite est franchie.

Cependant un autre facteur physique est à prendre en considération : Si la température augmente le taux d’oxygène dissous diminue rapidement alors que celui de CO2 augmente.

Deux formules antagonistes 'biologique et physique' sont ainsi en compétition :
  1. Augmentation de température = augmentation de consommation de l’O2 par les organismes,
  2. Augmentation de température = diminution de O2 dissous dans l'eau.
On voit donc que les variations de concentrations d'oxygène peuvent être très rapides et même s'emballer lorsque l'on franchit un seuil critique.

Une augmentation de la température signifie aussi :
  • La réduction de la production de phyto et zooplancton,
  • L’abaissement du pH dû à l’augmentation de CO2,
  • La baisse de la concentration de carbonate de calcium (inhibe la calcification), …
Les organismes marins des récifs tropicaux sont adaptés à une température constante qui se situe à environ 26/28° Celsius pour les couches d'eau superficielles (celles qui nous concernent). Pour offrir des chances de survie à ces organismes il faut rester impérativement dans cette marge. Et si le ralentissement métabolique dû à un petit abaissement de température non prolongé n'a qu'un effet de stress, une augmentation trop importante au-delà de quelques degrés au-dessus de 30° signifie à coup sûr la mort rapide des organismes (commençant pour les coraux par l'expulsion de leurs zooxanthelles, phénomène appelé blanchiment des coraux). Pour cette raison la pollution thermique actuelle des océans est un problème sérieux, source de grande inquiétude car amplifiée par les concentrations simultanées de CO2.

Premières conclusions
  • La température doit être régulée, les variations minimisées au maximum.
  • La fourchette ‘idéale’ de température se situe entre 26 et 29° Celsius (fonction de l'écosystème reproduit).
  • La température basse admissible est de 25°, la température haute admissible 30°.
  • La température limite (entrainant la mort des organismes) basse est de 18°, la température limite haute est de 32°.
Le cas particulier de l’aquarium nano récif
Dans le milieu naturel les masses d'eau sont évidement considérables alors que l'aquarium ne contient qu'un volume très réduit. Cela a pour conséquence une évolution pouvant être rapide des paramètres. Ainsi l’inertie thermique (ou chaleur massique) est liée directement au volume d’eau.

La chaleur massique de l'eau vaut 4187, pour augmenter la température de 1°de 100 litres d'eau, il faut apporter une énergie de : 100*4187*1=418kj. Un chauffage de 100 Watt en fonctionnement permanent apporte en une heure, une énergie de 100W*3600=360kj. Il faut donc plus d'une heure pour faire monter la température de 1°Celsius. Cela fonctionne aussi à l’inverse et, à énergie constante, plus le volume est réduit, plus le temps est court pour parvenir à des variations sensibles.

Un petit aquarium est sujet à de potentielles variations rapides et importantes de température.

Et si il est facile de chauffer (une simple résistance électrique suffit), il est assez difficile de refroidir. Or dans nos aquariums récifaux les sources d’apport de chaleur sont multiples :
  • Infrarouge de l’éclairage, rayonnement thermique des lampes et ballasts,
  • Moteur des pompes de brassage, de filtres et écumeurs,
  • Environnement de la pièce où est placé l’aquarium (chauffage, ensoleillement).
L’exportation en thermies se faisant aussi par l’environnement, une pièce pouvant être froide en hivers, mais aussi lors de la phase nocturne lorsque l’éclairage est éteint.

Deuxième conclusion
Alors que dans la nature, la masse d'eau ‘lisse’ les variations, une climatisation est impérative dans le cas d’un aquarium. Plus le volume est réduit plus l’asservissement doit être soigné. Si un aquarium de grand volume peut se passer du chauffage grâce (ou à cause) des HQI et des pompes, la faible inertie d’un nano impose une parade à l’abaissement nocturne et une lutte contre les thermies apportées par le matériel lors de la journée.
La climatisation d’un petit aquarium récifal nécessite donc la mise en place d’un chauffage et d’une réfrigération.
Choisir les animaux les plus résistants (ceux peuplant les lagons peu profonds) et provenant d’une même région climatique est aussi une sage décision modérant les risques.


La réalisation du chauffage
La solution la plus simple consiste à utiliser des thermoplongeurs intégrant un bilame et une résistance de chauffage électrique. C'est le chauffage utilisé classiquement en eau douce. La puissance sera calculée au minima assurant la petite élévation de température nécessaire dans les conditions les plus rudes, un blocage du bilame ayant dans ce cas une action limitée. Deux thermoplongeurs indépendants sont aussi une précaution contre les effets d’une défaillance (voir Redondance plus loin dans cet article). Pour un aquarium récifal un chauffage de ½ Watt par litre suffit, valeur à affiner en fonction de votre configuration matérielle. Choisir des modèles anti-casse évite aussi de prendre le risque d'une électrisation.

La réfrigération
Avant de songer à refroidir, une précaution élémentaire : Eviter impérativement les apports en thermies 'parasités'.
  • Ne pas placer l’aquarium dans une pièce surchauffée,
  • Ne pas placer l’aquarium sous un rayonnement solaire direct (de plus non favorable à la croissance des zooxanthelles mais plutôt des algues inférieures),
  • Eviter de placer les moteurs des pompes dans l’eau, choisir celles qui ont le meilleur rendement,
  • Ne pas placer les ballasts des lampes à proximité de l’aquarium, préférer les modèles électroniques.
Solution de réfrigération n°1 : L‘évaporation
Le principe : Lorsque la pression partielle d’un corps est inférieure à la pression de vapeur saturante (par exemple si l'on souffle sur sa soupe, on diminue la pression au-dessus du liquide), la phase liquide se vaporise et ainsi le nombre de molécules quittant la phase liquide est plus important que le nombre de celles qui arrivent. Or ce sont les molécules les plus agitées (les plus chaudes) qui s'échappent préférentiellement de la phase liquide. Lors de l'évaporation on a donc un abaissement de la température du liquide, et ce, quelque sois la température de l’air.

Un simple ventilateur placé de façon à créer un courant d’air laminaire, 'léchant' la surface de l’aquarium suffit à abaisser la température, et même en dessous de la température de la pièce. C’est une solution efficace.
Le principe de fonctionnement est le seul handicap : L’évaporation de l’eau. Evaporation qui nécessite un autre asservissement, de niveau d’eau cette fois, pour conserver une salinité constante dans l’aquarium (autre source de stress pour les animaux). L’avantage est la simplicité de mise en œuvre et le coût réduit du matériel nécessaire, un ventilateur 12 Volts de PC convenant parfaitement. (L'alimentation 12 Volts est aussi une précaution contre les électrisations).
La climatisation par évaporation (ventilation) est la solution la plus simple utilisée par un grand nombre d'amateurs, elle nécessite cependant la mise en place d'un osmolateur.

Solution n°2 : Le groupe réfrigérant
Ce principe est utilisé par tous les réfrigérateurs : Un gaz est comprimé par un compresseur électrique pour atteindre sa phase liquide (cette étape est faite hors de l’enceinte à refroidir car elle apporte de la chaleur), puis le liquide est détendu brutalement entrainant un abaissement de température. Cette solution techniquement possible n’est pas très simple à mettre en œuvre avec nos aquariums mais l'adaptation d'une petite glacière est cependant possible. Autre utilisation de cette technique : Placer l'aquarium dans une pièce climatisée.

Solution n°3 : L’effet Peltier
Ici la propriété particulière de certains conducteurs traversés par un courant électrique est utilisée. Ces conducteurs se présentent sous forme de plaque dont un coté devient chaud et l’autre extrémité devient froide en fonctionnement. Ce principe est bien adapté à la climatisation de l’aquarium sous réserve de réaliser de bons échangeurs thermiques, un pour la partie chaude (ventilation externe obligatoire, un Peltier chauffe énormément), un pour la partie froide en contact avec l'aquarium.
Ici l’évaporation de l’aquarium est nulle, ce qui est un avantage indéniable (sauf si on veut ajouter du calcium avec l’aide d’un RAH). En revanche le coût d’achat et de fonctionnement (consomation électrique importante) est bien plus important qu’avec un simple ventilateur. Voir le forum consacré à ce sujet.

Asservissements
Il reste à piloter l’ensemble chauffage-réfrigérateur par un capteur de température et un dispositif de contrôle.

Les capteurs les plus simples sont basés sur des bilames se déformant par dilatation sous l’effet de la température. L’hystérésis (c’est à dire, l’écart de valeur entre le passage de la position fermée à la position ouverte puis au retour à la position fermée) est assez grand (stress potentiel des animaux) et n’est pas réglable. Bilan : Les bilames sont simples d'utilisation, peu chers mais aussi peu précis.

Les thermostats électroniques sont plus sensibles et l’indication absolue de température est aussi plus précise qu'avec les bilames dont l'indication (la valeur absolue) est totalement fausse. Généralement utilisés pour le chauffage domestique, ils devront être modifiés pour répondre à notre besoin.
Un peu de bricolage s’impose donc : Démontage du capteur pour le placer dans un tube étanche scellé à la colle silicone, inversion des contacts par un relais (ou modification du câblage) pour mettre en marche le refroidissement à une température haute. La solution est cependant abordable et peu couteuse aux bricoleurs.

Voies d'améliorations possibles
L'importance de la climatisation ne peut être négligée, un dérèglement pendant les congés d’été pouvant entrainer en quelques heures, par effet de dominos, la perte de tous les êtres vivants de l’aquarium. La réalisation devra être impérativement soignée et sûre.

La sûreté de fonctionnement passe principalement par les notions de simplicité, robustesse et redondance, c’est à dire la mise en place de systèmes doublés assurant le bon fonctionnement dans le cas de défaillance simple.
Les meilleurs systèmes utilisent des éléments séparés dans des chaînes de traitement n’ayant pas de point commun (il faut cependant se contenter d’une unique source électrique ou mettre en place un système secouru sur batterie). Ainsi un groupe de froid utilisera deux ventilateurs indépendants, deux capteurs, deux thermostats, le tout sera raccordé à deux disjoncteurs différentiels.

Des dispositifs sécuritaires additionnels peuvent aussi être implémentés. Comme par exemple une coupure automatique de l'éclairage en cas de détection de température excessive. Dans ce cas il faut que l'hystérisis (la remise en marche de l'éclairage) soit suffisant pour ne pas entrainer une défaillance de la lampe.

Dans le cas de d’éléments particulièrement fragiles il est possible de réaliser des montages spécifiques. Par exemples dans le cas du bilame (souvent défaillant en position fermé) :
  • Si la fermeture du bilame commande le refroidissement : La mise en parallèle de deux bilames (si un reste ouvert, la fermeture du contact sera assuré par le deuxième).
  • Si l’ouverture du bilame commande l’arrêt de l’éclairage : La mise en série de deux bilames (si un reste fermé, l'ouverture sera assurée par le deuxième provoquant l’arrêt du circuit).

En guise de conclusion
Ces informations devraient vous sensibiliser et vous conduire à réaliser, si ce n'est pas fait, une installation de climatisation automatique nécessaire à votre nano, il est temps, l’été arrive !

La clim' n'est pas un élément de confort dans un aquarium, c'est une condition de survie. Gardez en tête que les animaux récifaux ont une marge d’adaptation très étroite, que les écarts doivent être réduits au maximum et qu’une température de 32° leur est fatale. Les maintenir à une température constante voisine de 27/28° semble l'idéal pour une conservation à long terme et une croissance optimale.

Si chauffer est naturel pour la plupart des amateurs venant de l'eau douce, réfrigérer est certainement nouveau. Un dispositif de refroidissement à ventilateur 12 Volts est le plus simple à mettre en oeuvre et le plus courant. Ce système est efficace mais il nécessite aussi un osmolateur, c'est à dire l'ajout automatique d'eau douce dès que le niveau d'eau baisse pour conserver une salinité constante.

Vous êtes aidés dans votre réalisation par les exemples inclus dans ce nanoZine de juin par le montage vonvon™ : Module osmolateur/refroidisseur avec ventilateur 12 volts

PS : Vous le savez, l'élévation de température menace aussi les écosystèmes naturels aussi je vous engage à avoir une attitude éthique : N'achetez des voitures ne consommant que peu (évitez les 4x4), roulez au minima et le pied léger. C'est bon pour votre stress et pour la planète.

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