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Utiliser l'ozone ?

Rubrique : Technique
Auteur : JLC
Niveau : Curieux

Certaines techniques utilisées dans nos aquariums récifaux font l’objet de controverses pour de multiples raisons. Ce peut être les difficultés de dosage ou de mise en œuvre, l’inadéquation avec les autres techniques conjointement employées ou encore la mauvaise compréhension des effets produits. Ces techniques sont alors qualifiées de 'pointues'. C’est par exemple le cas avec les UV, la zéolithe, les résines ou encore l’ozone. Il est question ici de ce dernier élément. J’espère que ce petit article suscitera un intérêt, ou tout au moins une réflexion sur son emploi - ou non-emploi.


Mise en garde L’ozone (O3) est un gaz oxydant instable (composé de 3 atomes d’oxygène il retourne spontanément à la forme dioxygène O2). Son odeur piquante est caractéristique sans être suffisamment désagréable pour alerter. En effet l’ozone a un pouvoir germicide important et est potentiellement dangereuse pour tous les animaux. Une manipulation incontrôlée peut être fatale pour les organismes vivants dans l’aquarium et nocive pour l’aquariophile et son entourage.

L'ozone est aussi un gaz dont le contact dégrade certaines matières comme le caoutchouc. Les paliers de votre écumeur ou autres pièces vont peut être s'user plus rapidement.

Le moyen utilisé dans la dernière partie de l’article pour générer l’ozone est la création d’un champ électrique élevé - effet corona. Cela nécessite la génération d’une haute-tension (5 à 10 kV) ce qui présente un risque évident de choc électrique. La réalisation de ce générateur ne peut être raisonnablement faite que par un amateur ayant les compétences électroniques et la sagesse nécessaires. Pour évacuer cette difficulté il est préférable de générer l'ozone à partir de produits manufacturés destinés à un usage aquariophile.

Vous noterez bien que je n’encourage pas un bricolage expérimental sans une véritable compréhension des conséquences possibles et que je me dégage de toutes responsabilités dans les applications pratiques dérivées de cet article.

L’utilisation de l’ozone en aquariophilie marine

L’ozone est mise en œuvre dans les installations aquariophiles pour répondre principalement à deux besoins différents :
- La purification de l’eau dans un but d’éradication d’éléments pathogènes,
- L’amélioration des performances de l’écumage.

Purifier l’eau
La stérilisation par ozonisation exploite le fort pouvoir germicide de ce gaz. Le résultat est assez comparable à celui obtenu avec des tubes UV. Cette méthode n’est utilisée qu’exceptionnellement dans un aquarium récifal communautaire. Son usage peut être temporaire lors de situations particulières qui ne sont pas abordées dans le cadre de cet article. La mauvaise réputation de l’emploi de l’ozone vient en partie de cet usage effectivement assez peu recommandable pour un amateur non averti.

Booster l’écumeur
L’amélioration de l’écumage est une autre utilisation possible. Ici c'est l’augmentation de l’effet tensioactif provoqué par l’ozone qui est exploité. Améliorer le rendement de l’écumeur est souhaitable dans certaines circonstances : surpopulation, sur-nourrissage, phase de démarrage ou accumulations organiques dans un bac ancien, écumeur volontairement sous dimensionné, capacité épuration insuffisante, etc. D’autre part l’effet de l’ozone porte sur des substances organiques dissoutes qui sont ‘inaccessibles’ par un écumage classique. On constate ainsi généralement après la mise en service d’un ozonisateur une meilleure limpidité de l’eau, propice à un rendement supérieur de la rampe d’éclairage. Il faut noter que l’adsorption des substances colorantes peut être obtenue de manière plus simple par une percolation sur charbon actif. Pour revenir à l’ozone, la quantité injectée dans l’écumeur est très largement inférieure à celle nécessaire à une action germicide. C’est une première remarque importante : L’ozone en utilisation ‘boosteur de l’écumeur’ est distillée en très petite quantité. La valeur repère se situe autour de 5 mg/h d’O3 par tranche de 100 litres. Gardez à l’esprit cela si vous achetez ou construisez un générateur : Un petit modèle convient bien mieux et celui-ci ne doit pas être trop efficace !
Même avec un faible dosage l’injection n’est possible que si l’écumeur est placé dans un bac technique et que l’eau de rejet n’est pas déversée directement dans l’aquarium pour ne pas risquer de mettre en péril la santé des animaux. Le résidu d’ozone contenu dans l’eau doit être éliminé avant son retour dans l’aquarium (ou le refuge). Il faut noter qu’une destruction organique intervient dans la chambre de l’écumeur ce qui réduit l’efficacité d’apports vivants externes. Attention donc si vous utilisez des ajouts de souches bactériennes, vous risquez des effets moindre avec un ozonisateur (ou un tube UV). En revanche si l’ozone est utilisé correctement il ne devrait pas avoir d’impact significatif sur la flore bactérienne ‘benthique’ de l'aquarium.

Un bon indic : Le redox
Je passe rapidement sur l’usage de l’ozone consistant à augmenter le taux de redox (en anglais ORP pour Oxydo Reduction Potential). Effectivement injecter de l’ozone dans de l’eau augmente rapidement le taux de redox. Mais si la valeur moyenne du redox est une mesure symptomatique de l’état de santé de l’aquarium ( - le rH qui est une combinaison du redox exprimée en mV et du pH par la formule rH = pH x 2 + redox / 29,58, c’est une aussi une indication de la qualité globale de l'eau, il faut essayer de le maintenir au-dessus de 27 qui est la valeur médiane entre oxydation et réduction. Fin de l’aparté -), donc, si la mesure du redox est intéressante, remonter la valeur par un apport d’ozone n’est pas vraiment une bonne idée. Il est préférable de s’attaquer à la cause ; chercher le cadavre d'un animal, réduire la surcharge organique, améliorer les échanges et la capacité d'épuration ; plutôt que de mettre en œuvre une technique risquée et masquant un problème sans le régler.

Pas de génération d'ozone sans asservissement
En revanche le fait que l’ozone agisse sur le redox fait qu’il est très intéressant de surveiller celui-ci pour contrôler la quantité distillée et ne pas dépasser un seuil de non viabilité pour les animaux. C’est une deuxième remarque importante : L’injection d’ozone doit se faire impérativement sous contrôle de la mesure du redox. Le taux maximal auquel l’injection doit être stoppée se situe autour de 380mV qui est la valeur approximative du milieu naturel. Dépasser cette limite c'est aller au devant d’ennuis sérieux. Cette valeur n’est qu’indicative. Il est sage de commencer par un apprentissage du taux mesuré de son aquarium avant injection d’ozone. La surveillance se fait par la mesure du redox pour connaitre son ‘comportement’ à différents moments du jour et de la nuit. Il faut noter les valeurs minimale et maximale atteintes qui serviront de repères pour le dosage de l’ozone. La nuit, le taux de redox a tendance à progresser à l’inverse de celui du pH. Le réglage des seuils jour et nuit, seront ainsi déterminés par apprentissage en augmentant que très légèrement le taux naturel et en restant dans la fourchette des 300/400mV.

Sécurités
La mesure du redox dépend aussi de facteurs externes : Température, phénomène météo, nourrissage, etc. Les variations rapides sur quelques minutes ne sont pas vraiment significatives. Il faut également tenir compte de la précision et dérive des instruments, de leur entretien (sonde), de leur toute relative fiabilité. Aussi un dispositif de sécurité est ajouté pour limiter la durée d’injection en cas de dysfonctionnement du système de mesure et pour pondérer les variations rapides ou inhabituelles. La durée maximale est estimée en fonction de l’expérience : Combien de temps mon ozonisateur est-il mis en marche lorsque tout va bien ? Cette base de référence n'est augmentée que modérément pour ne pas surdoser. La temporisation à également l’avantage de lisser les variations et éviter les oscillations autour du seuil de commutation. Par exemple, si on constate que pour un bon résultat l’ozonisateur doit être mis en marche deux heures par jour, une temporisation de 30 secondes toutes les 6 minutes me semble un bon compromis entre vieillissement du relais de commutation et diffusion répartie dans le temps. Bien entendu la coupure sur détection du seuil maximum du redox reste prioritaire à l'injection par temporisation.

Mesure et temporisation induisent un système d’asservissement. Pour cette raison je propose en fin d’article un schéma électronique permettant l’interface avec un automate programmable qui me semble la meilleure solution - hors produit spécifique réservé à cet usage - . Cet interface assure les fonctions de mesures du pH, du redox et de la température pour les rendre compatibles avec les niveaux 0-10 Volts des petits automates programmables industriels.

Rien ne remplace l’observation !
C’est sur le résultat que l’on juge de l’intérêt de la technique. Et, comme souvent, les résultats ne sont pas nécessairement reproductibles d’un aquarium à l’autre. Pour juger de l’effet produit, la mise en œuvre de l’ozone doit se faire indépendamment de toute autre modification d’importance dans la maintenance du bac. Si tout semble aller correctement l’essai est prolongé sur une période d’un mois pour être significatif. A la moindre alerte ou si aucun bénéfice ne semble être détecté, il est préférable d’arrêter l’expérience sans chercher à modifier le protocole que l'on s'est fixé. Si le constat est positif (ou semble l’être), l’expérience peut être reconduite.

Juger de l’état de santé d’un aquarium avant que le problème ne prenne une dimension catastrophique demande une bonne pratique aussi je ne conseille pas ce type d’expérimentation aux débutants. Il faut noter que l’immense majorité des aquariums récifaux, dont les plus réussis, se passent très bien d’injection d’ozone et que la curiosité ou intérêt technique ne doit jamais vous conduire à mettre en péril votre aquarium.

L’aquariophilie récifale est un terrain de jeu où se rencontre technologie et nature, il n'y a pas qu'une voie qui conduit à la réussite. A vous de trouver les bonnes techniques et dosages avec lesquels vous saurez maintenir et faire prospérer un récif corallien dans votre salon.

Place à la pratique
L’action de l’ozone doit être exclusivement réservée à l’écumeur. L’ozone non encore transformée en oxygène en sortie d’écumeur doit être piégée avant sa diffusion dans l’aquarium pour réduire le risque d’une action germicide néfaste les organismes vivants. Pour réduire au maximum la propagation de l’ozone jusqu’à l’aquarium un filtre à charbon actif est placé dans le circuit de sortie d’eau de l’écumeur. Le charbon actif est efficace pour piéger l’ozone et l’inactiver. Un filtre de même type peut être placé sur la coupelle de l’écumeur pour filtrer l’air et éviter une pollution du local où se trouve l’aquarium.

Installation de l'ozonisateur dans l'installation

L’ozonisateur bride également l’aspiration d’air de l’écumeur, selon les modèles cela peut conduire à ajouter une pompe à air. Généralement celle-ci n’est pas nécessaire et l’ozonisateur sert même de filtre-silencieux à l’écumeur. Un filtre à air de à mousse synthétique à cellules ouvertes évite l’aspiration de poussière, un peu de charbon actif (encore !) purifie en plus l’air injectée dans l’écumeur. La réalisation est assez facile à partir d’une boite de raccordement électrique en PVC.

Voici le schéma d'un générateur haute tension à pompes de charge (circuits diode - condensateur). Chaque étage élève la tension de 300 volts environs et de 5 à 8 kV sont nécessaire à la création de l'effet corona. L'alimentation ne se décharge pas même si la source 220V est débranchée. Les condensateurs restent chargés. Alors attention avec ce montage !

L'ozonisateur à effet corona est fourni à titre d'exemple mais je ne conseille pas sa réalisation par un amateur

Je répète qu'une première fois mis sous tension il est dangereux de manipuler le circuit, même débranché, sans une décharge individuelle de chaque condensateur par un court-circuit à ses bornes et au travers d'une résistance de 1 kOhms. Il est préférable de commencer par l'étage final et de remonter la chaine jusqu'à l'arrivée secteur (bien entendu l'ozonisateur reste débranché du secteur).

Schéma électrique du générateur corona

Exemple de câblage

Le circuit est placée dans un boitier étanche. En milieu humide le tube de cuivre s'oxyde et le contact électrique risque d'être interrompu. Pour éviter cela il faut étamer le tube en cuivre avec de la soudure.
Autre inconvénient de l'humidité est qu'une réaction indésirable se produit. De l'oxyde d'azote se forme lors des déchargent électriques. L'oxyde d'azote peut se transformer à son tour en acide nitrique ce qui augmente la corrosion. De plus, les radicaux-hydroxydes peuvent se former et se combiner avec les radicaux d'oxygène et avec l'ozone.

Enfin voici le schéma de mon interface pH, température et redox pour automate industriel (cette fois ci la réalisation est sans danger ;-)

Schéma de l'interface, cliquez sur l'image pour l'agrandir

Le schéma est relativement simple et, j'espère, suffisamment commenté cependant la réalisation doit être soignée. On peut noter l'absence de réglage. En effet le pH et redox ne sont mesurés, dans nos installation, qu'à une température constante et voisine de 25°, d'autre part les composants utilisés sont choisis avec des précisions suffisantes pour rendre les ajustements inutiles. Cependant il faut procéder à un étalonnage périodique, celui-ci est effectué systématiquement après le nettoyage soigneux des sondes, par exemple tous les mois. Des solutions étalons, tamponnées à des valeurs très précises, différentes pour le pH et redox, permettent le contrôle de la chaine d'acquisition par l'automate et, éventuellement, procéder à des corrections par paramétrage logiciel.

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