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Spirobranchus giganteus

Rubrique : Vivant
Auteur : JLC
Niveau : Tous


Après avoir publié quelques photos ‘d’arbres de Noël’ (Spirobranchus giganteus) prises en milieu naturel dans le golf du Siam, j’ai reçu quelques questions concernant la maintenance de ces animaux en aquarium, j’ai également voulu en connaitre plus. Voici le résultat de mes investigations.

Ou l’appellation ‘Arbre de Noël’ prend son sens…

Biologie
Bien que semblant faire partie intégrante des blocs coralliens, les ‘arbres de Noël’ [alias the 'Christmas trees'] font partie des vers polychètes. Les polychètes sont des vers annélides porteurs de soies chitineuses. Ils se divisent en deux groupes : Les vers sédentaires (fixés à un support) et les vers errants capables de se déplacer (comme les ‘ver de feu’ dont fait partie le célèbre Hermodice carunculata).
Les vers polychètes sédentaires sont principalement tubicoles, c’est le cas de notre ‘arbre de Noël’.

Ce dernier groupe comprend notamment les Sabellidés et les Serpulidés.

Les sabellidés se distinguent par leur panache circulaire unique. Ce plumeau spiralé en simple ou double hélice est de grande taille (jusqu’à 8 cm), les motifs dans les dominantes de couleurs pastelles sont variés. Le fourreau est de consistance semi-souple. Il est généralement dissimulé sous des pierres ou enfoncé dans le sol sans être fixé. Les grandes Sabelles sont ainsi vendues 'à la pièce' comme animal hôte de nos aquariums. Bien que cet article ne les concerne pas directement, les soins nutritifs dérivés de ceux apportés aux Spirobranchus spp. cités ici peuvent être appliqués à ces vers.

Les Serpulidés possèdent un panache double très facilement identifiable. Le tube ou fourreau est rigide et calcifié, généralement invisible car profondément ancré dans le substrat. Notre ‘arbre de Noël’ Spirobranchus sp. possède un opercule d’occlusion qui lui permet de se réfugier hermétiquement à l’intérieur de son tube. Il se distingue ainsi de Protula sp. à double panache spiralé mais dépourvu d'opercule de fermeture.
Vue des deux panaches spiralés et de l’opercule de fermeture de Spirobranchus giganteus.
Cette espèce est ainsi très facile à identifier et ne peut être confondue.


Bien que nommé giganteus, les panaches de Spirobranchus ne sont pas particulièrement impressionnant puisqu'il font qu'au maximum 4 cm. L'originalité n'est pas là. Uniforme ou à motifs monochromes, la couleur de chaque sujet est éclatante. De plus, les diverses couleurs possibles se rencontrent au sein d’une même colonie ce qui rend l'observation particulièrement attractive.

Les Spirobranchus giganteus affectionnent le support des blocs de coraux massifs comme les Porites ou les Millepora. Ils sont présents sur toutes les mers récifales du globe. Bien que non-symbiotiques ils sont liés à leur hôte corallien toujours hermatypique. Ils ne se situent donc que dans les eaux superficielles entre 1 et 10 mètres de profondeur.
Un même corail est colonisé par d’innombrables sujets de couleurs différentes

Les blocs de Porites abritent nombres d'animaux : Des mollusques bivalves perforateurs comme les Pedum spondylium, ou les Tridacna (visibles sur les photos publiées). Toutes ces espèces affectionnent l'abri de ces coraux massifs de croissance lente, compatible avec leur propre expansion (moins d'un millimètre par an pour le Spirobranchus). Ces derniers sont pourvus d’une très grande longévité (supérieure à 10 ans) et nécessitent cette stabilité territoriale. Le corail recouvre totalement le fourreau du ver qui demeure très souvent parfaitement invisible.

Par son caractère répulsif, le corail assure, bien qu'involontairement, une protection au ver contre d'autres organismes épibiontes, prédateurs, ou pathogènes. Son rôle s'arrête là. Il est en effet très improbable que le corail apporte, par son mucus, un complément nutritionnel au ver. Des recherches sur la croissance des vers sur différents coraux hôtes n'apportent aucun élément significatif sur ce point. Si le corail supporte et abrite le ver, le ver en retour n’apporte aucun bénéfice au corail. Il s’agit donc d’une relation unilatérale de parasitisme (et non pas de symbiose comme c'est le cas pour d'autres animaux ou plantes du récif). Et lorsque que l'hôte meurt, le parasite ne lui survit pas. C'est effectivement le cas de Spirobranchus Giganteus qui ne s’observe que sur les coraux vivants. Ce n'est pas vrai pour d'autres tubicoles qui colonisent les débris morts de coraux.
Les blocs coralliens massifs servent de support et de protection à des animaux parasites, ici un Tridacna bénéficie d'une exposition parfaitement exposée au soleil, il est en compagnie de Spirobranchus sp. qui exploite la protection du Porite

Le double panache spiralé de Spirobranchus rempli plusieurs fonctions :
  • Il sert en premier lieu de ‘filet’ permettant de capturer et diriger vers la bouche du ver les particules de plancton nourricier. Des cils vibratoires provoquent un courant qui augmente significativement l’efficacité de cette pêche. La taille des particules capturée est en relation avec la petitesse des cils. Est donc concerné en premier lieu le phytoplancton qui est la base de l'alimentation du Spirobranchus . Le zooplancton constitué d'organismes de petite taille peut aussi être capturé.
  • Le mouvement d’eau crée par le double panache sert à la respiration de l'animal (parfois le terme de 'branchie' est utilisé pour désigner le panache).
  • Enfin les cils détectent les vibrations transmises par l'eau et permettent la rétractation instantanée, assurant au ver une certaine sécurité face à ses prédateurs. Celui-ci semble également sensible aux variations brusques de luminosité.
Photographie d’un Spirobranchus giganteus se rétractant dans son tube, photo qui m’a valu le prix Cousteau-Lucky Luke 2007

L’incroyable diversité de couleurs au sein d’une colonie, reste, pour moi, un mystère. Il est probable que la couleur soit un signe non déterminant pour l’espèce (comme, par exemple, la couleur de nos yeux ou nos cheveux). Hypothèse, toute personnelle : Le Spirobranchus giganteus attire le plongeur sous-marin parce qu’il adore se faire photographier... A moins que l’éclair du flash n’attire le zooplancton... (bon j’arrête le délire ici). SVP, si vous connaissez l'utilité de cette profusion de couleur, communiquez-moi la clé de l'énigme.
La diversité de couleur des Spirobranchus giganteus est stupéfiante et très attractive pour le plongeur.

Dans l'aquarium

Comme tous les invertébrés fixés non symbiotiques, c'est à dire ne bénéficiant pas de l’apport nutritif 'de proximité' des algues symbiotiques zooxanthelles, la conservation à long terme dans l'aquarium est problématique alors que le vers peut espérer vivre près de 40 ans dans le milieu naturel !

Dés l’issue de sa phase larvaire errante, le vers se fixe puis s'enchâsse dans le corail. Adulte, il ne peut plus en être séparé. Pour obtenir des Spirobranchus sp. , il faut se procurer une pièce de corail, généralement un bloc de Porites, hébergeant des spécimens fixés.
Première condition : L’aquarium doit être apte à la conservation des coraux durs à forte consommation calcite. Il est conforme aux critères rigoureux d’excellence récifale garantissant la pureté de l’eau et la survie des invertébrés sensibles.

La biodiversité de l’aquarium est aussi un critère déterminant. L’aquarium doit favoriser un milieu riche en microflore et microfaune. La présence d’un réfugium, d’un réacteur à plancton (par exemple Phytoplancton breeder de Grotech), de production naturelle de nauplies de copépodes ou de rotifères est certainement un plus.
L'apport de particules planctonique est la seconde condition. La distribution est effectuée régulièrement tous les deux ou trois jours. Les composants floculées seront constituées de très fines particules compatibles avec la taille des soies du vers. Par exemple Marine snow ou Phytoplan de Two Little Fishes. Pour avoir les informations pertinentes à ce sujet, se référer à l’excellent article de Marc Lacuisse parut dans nanoZine : Une nano salle de culture

Les vers ayant un réflexe de protection devant tout mouvement anormal de leur environnement il est assez difficile d’apporter la nourriture localement à l’aide d’une seringue sans déclencher un repli stratégique. La patience caractérisant l'amateur, vous pouvez tenter de le faire en évitant les mouvements brusques. Les particules sont distribuées sous le panache pour être entrainées par le courant des cils vibratoires (bien entendu, pour ne pas perturber la distribution à la pipette, vous aurez pris le soin de couper le brassage pendant cette manipulation). L'utilisation d'une cloche de confinement est une possibilité pour maintenir une forte concentration locale. Cette technique convient bien avec les coraux prédateurs tels les Tubastrea nourrit avec aux Cyclop eeze ou aux nauplies d'Artemia. Ici la manipulation n'est pas très simple car l'animal se rétracte au moindre mouvement et les particules vraiment très fines.

Le plus simple est d’effectuer une distribution 'générale' hebdomadaire ou tous les deux ou trois jours quelques minutes avant l’extinction de l’éclairage en suspendant totalement la filtration et l’écumeur et cela pendant quelques heures pour que tous les organismes filtreurs de l'aquarium tirent le bénéfice maximal de cet apport. Un aquarium spécifique de ces animaux est une clé de la réussite de leur maintenance.
Il faut être conscient que la distribution de nutriments planctoniques nécessite un savoir-faire que seule une solide expérience peut apporter. Bien d'excessivement attrayants, je déconseille les animaux demandant ces soins aux amateurs inexpérimentés ou à ceux ne pouvant pas assurer une maintenance assidue et continue de leur aquarium.

Sources Internet
http://www.advancedaquarist.com/issues/sept2002/toonen.htm
http://www.reef-guardian.com/news-article-148.html
http://marinebio.org/species.asp?id=543
http://www.itis.gov/servlet/SingleRpt/SingleRpt?search_topic=TSN&search_value=68306

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