Mer Rouge : Passé, présent et futur
Auteur : Philippe (Liam)
Oasis débordant de vie perdu dans le désert, la Mer Rouge, bien qu’appartenant à la zone Indo- Pacifique, est unique à bien des égards : elle est la seule mer chaude même à de grandes profondeurs, elle est aussi une des plus salées et présente un taux d’endémisme d’espèces important.
C’est une mer jeune. Il y a 40 millions d’années, une fissure commença à écarter la Péninsule Arabique du nord de l’Afrique ; à l’heure actuelle, les deux masses s’éloignent encore d’un à deux centimètres par an et la cassure se prolonge dans la grande vallée du Rift africain, dans un futur lointain la mer rouge envahira cette immense cuvette. Il y a 20 millions d’années, la barrière nord du bassin formé céda et la partie méditerranéenne de la Mer de Téthys envahit la Mer Rouge. Plusieurs épisodes d’assèchements et d’inondations successifs eurent lieu qui déposèrent sur le plancher océanique d’épaisses couches de sels. Il y a 5 millions d’années, au Pliocène, le Sinaï se souleva, séparant la Mer Rouge de la Méditerranée mais l’ouvrant vers l’Océan Indien, donnant par là-même l’accès aux espèces tropicales d’invertébrés et de vertébrés. Durant les épisodes de l’âge glaciaire, la baisse du niveau des mers affecta aussi la région (jusque - 145 m), le Golfe d’Aqaba se trouva isolé de la Mer Rouge ainsi que la Mer Rouge de l’Océan Indien. Durant ces périodes, certains bassins devinrent hyper-salins et sans doute stériles, alors que d’autres furent des oasis, mais la remontée des eaux, il y 15 000 ans, ré-ouvrit la voie aux espèces de l’Indo-Pacifique. Les espèces enfermées auparavant ne retrouvèrent pas leurs conditions de vie originales dans l’Océan Indien et devinrent les espèces endémiques de Mer Rouge alors que les espèces extérieures ayant évoluées séparément retrouvèrent le chemin d’espaces à nouveau disponibles. A l’heure actuelle, la Mer Rouge abrite plus de 1000 espèces de poissons et autant d’invertébrés, environ 15% d’espèces sont endémiques.
Le niveau actuel de la mer a été atteint il y a 5000 ans. Les récifs actuels se sont construits sur les récifs anciens des âges inter glaciaires qui étaient parfois à des niveaux plus élevés, si bien que de nombreux fossiles marins sont maintenant visibles au dessus des berges actuelles.
La Mer Rouge fait 2 270 km de long, entre 100 et 350 km de large, 3 040 m au plus profond alors que le plancher qui la sépare de l’Océan Indien n’est qu’à 130 m de profondeur, créant ainsi un effet de siphon. Dans le Golfe d’Aqaba, les fonds à quelques brassées du bord peuvent tomber à plusieurs centaines de mètres.
Durant l’été, l’air atteint une moyenne de 40 degrés. L’analyse des isothermes marins de surface révèle de grandes différences. Dans le bras menant au canal de Suez, les minima en janvier vont du nord au sud de 18 à 21°, en mai de 19 à 22° ; dans le golfe d’Aqaba : en mai les températures montent à 24°. En janvier, le nord du bassin de la Mer rouge est à 21° alors que la partie sud à partir de Port Soudan est entre 25 et 26°. En août, la limite nord est à 27° de moyenne, à partir de Marsa Alam, les eaux de surface connaissent des moyennes de 30, voire 31°. L’ensemble des rivages est donc propice à la croissance des récifs et des rares mangroves encore existantes, à 1000 mètres de profondeur la température moyenne est encore de l’ordre de 20 °. Le vent régulier nord/sud contribue à la circulation des eaux.
Du fait de la chaleur et des vents fort présents, on note de grands taux d’évaporation en surface : 42 pour mille au nord et 37 pour mille au sud. Cette évaporation est compensée par l’apport de l’océan Indien car la très grande rareté des précipitations ( 6 à 60 mm d’eau par an) ne permet pas un approvisionnement d’eau douce ni en surface sous forme de pluie ni par la contribution des maigres cours d’eau. Le faible apport d’eau côtière et donc l’absence des sédiments qu’elle charrie explique aussi l’excellente visibilité marine qu’offre la Mer Rouge, entre 15 et 50 mètres, avec une moyenne aux alentours de 30 m.
Toutes ces conditions : fonds à profondeur raisonnable, eaux chaudes et transparentes, récifs et domaine pélagique débordants de vie font de la Mer Rouge un milieu privilégié pour l’observation de la vie marine.
Soumis aux mêmes menaces (blanchiment, attaques de l’étoile de mer Acanthaster, ...) que les autres récifs coralliens du monde, les récifs extraordinaires de la Mer Rouge le sont aussi du fait de leur situation côtière, en effet il n’existe que de très rares ilots au large.
Au début des années 80 fut créé l’agence des affaires environnementales égyptienne, le parc national marin de Ras Mohamed à la pointe du Sinaï en 1983, celui d’Abu Galum en 1992. A l’heure actuelle, 52% des côtes sont sous protection ainsi que leurs rives et les déserts attenants.
Proches des zones urbaines en Egypte, les récifs sont sous haute pression. La principale menace provient des structures hôtelières déversant des hordes de touristes, parfois très nettement éloignés des préoccupations de protection de la nature et des villes. Ainsi les zones d’ Hurghada, de Safaga, d’une bande de 300 km au sud d’El Qseir en Egypte et de Jeddah en Arabie Saoudite voient leurs récifs en très grand danger ainsi que les mangroves encore existantes. La protection de la faune marine dans le cadre de la sauvegarde de la biodiversité et dans celui de l’intérêt économique que constituent les armées de plongeurs s’opposent radicalement à ceux des complexes hôteliers. Bâti en bord de mer, piétinement des fonds et des platiers, rejets de déchets de toute nature ( les sacs plastiques tuant au large cétacés et tortues entre autres), approvisionnement en poissons récifaux pour les tables des hôtels, hyper-fréquentation des récifs et mauvaises habitudes des touristes plagistes (nourrissage et captures des animaux) sont autant de menaces directes.
Au niveau environnemental et économique, des emplacements hôteliers mal pensés, des infrastructures routières pour les touristes et l’approvisionnement en eau potable ruinent les paysages des bords de la mer. Sans compter que certains hôtels, pour de multiples raisons financières et de coûts de fonctionnement ou d’infrastructure, peuvent ne jamais ouvrir ou fermer et rester en état d’abandon définitif.
De leur côté, les autres pays côtiers (Arabie Saoudite et le Soudan) n’ont créé que de rares parcs marins.
Plus au large voire même dans la zone des parcs marins, les poissons péchés en grande quantité pour la table voient leurs populations décimées; les requins continuent à y être péchés pour que leur ailerons leur soient coupés alors qu’ils ont encore vivants pour être sécher, tandis que mérous et napoléons sont capturés et acheminés vivants vers les aquariums des restaurants avant d’être choisis par le consommateur asiatique qui scellera leur destin.
Nous vous livrons donc des images d’un endroit que vous considérerez peut-être comme un paradis bleu, mais qui malheureusement est en passe de devenir un monde de silence. C’est avec la chaleur des souvenirs de notre séjour, de la chaleur et de la lumière égyptienne, de la beauté de la vie des fonds marins que nous avons effleurés mais avec aussi le silence qu’impose le respect d’un monde en danger que nous vous convions à ce numéro de décembre de nanoZine.
Oasis débordant de vie perdu dans le désert, la Mer Rouge, bien qu’appartenant à la zone Indo- Pacifique, est unique à bien des égards : elle est la seule mer chaude même à de grandes profondeurs, elle est aussi une des plus salées et présente un taux d’endémisme d’espèces important.
C’est une mer jeune. Il y a 40 millions d’années, une fissure commença à écarter la Péninsule Arabique du nord de l’Afrique ; à l’heure actuelle, les deux masses s’éloignent encore d’un à deux centimètres par an et la cassure se prolonge dans la grande vallée du Rift africain, dans un futur lointain la mer rouge envahira cette immense cuvette. Il y a 20 millions d’années, la barrière nord du bassin formé céda et la partie méditerranéenne de la Mer de Téthys envahit la Mer Rouge. Plusieurs épisodes d’assèchements et d’inondations successifs eurent lieu qui déposèrent sur le plancher océanique d’épaisses couches de sels. Il y a 5 millions d’années, au Pliocène, le Sinaï se souleva, séparant la Mer Rouge de la Méditerranée mais l’ouvrant vers l’Océan Indien, donnant par là-même l’accès aux espèces tropicales d’invertébrés et de vertébrés. Durant les épisodes de l’âge glaciaire, la baisse du niveau des mers affecta aussi la région (jusque - 145 m), le Golfe d’Aqaba se trouva isolé de la Mer Rouge ainsi que la Mer Rouge de l’Océan Indien. Durant ces périodes, certains bassins devinrent hyper-salins et sans doute stériles, alors que d’autres furent des oasis, mais la remontée des eaux, il y 15 000 ans, ré-ouvrit la voie aux espèces de l’Indo-Pacifique. Les espèces enfermées auparavant ne retrouvèrent pas leurs conditions de vie originales dans l’Océan Indien et devinrent les espèces endémiques de Mer Rouge alors que les espèces extérieures ayant évoluées séparément retrouvèrent le chemin d’espaces à nouveau disponibles. A l’heure actuelle, la Mer Rouge abrite plus de 1000 espèces de poissons et autant d’invertébrés, environ 15% d’espèces sont endémiques.
Le niveau actuel de la mer a été atteint il y a 5000 ans. Les récifs actuels se sont construits sur les récifs anciens des âges inter glaciaires qui étaient parfois à des niveaux plus élevés, si bien que de nombreux fossiles marins sont maintenant visibles au dessus des berges actuelles.
La Mer Rouge fait 2 270 km de long, entre 100 et 350 km de large, 3 040 m au plus profond alors que le plancher qui la sépare de l’Océan Indien n’est qu’à 130 m de profondeur, créant ainsi un effet de siphon. Dans le Golfe d’Aqaba, les fonds à quelques brassées du bord peuvent tomber à plusieurs centaines de mètres.
Durant l’été, l’air atteint une moyenne de 40 degrés. L’analyse des isothermes marins de surface révèle de grandes différences. Dans le bras menant au canal de Suez, les minima en janvier vont du nord au sud de 18 à 21°, en mai de 19 à 22° ; dans le golfe d’Aqaba : en mai les températures montent à 24°. En janvier, le nord du bassin de la Mer rouge est à 21° alors que la partie sud à partir de Port Soudan est entre 25 et 26°. En août, la limite nord est à 27° de moyenne, à partir de Marsa Alam, les eaux de surface connaissent des moyennes de 30, voire 31°. L’ensemble des rivages est donc propice à la croissance des récifs et des rares mangroves encore existantes, à 1000 mètres de profondeur la température moyenne est encore de l’ordre de 20 °. Le vent régulier nord/sud contribue à la circulation des eaux.
Du fait de la chaleur et des vents fort présents, on note de grands taux d’évaporation en surface : 42 pour mille au nord et 37 pour mille au sud. Cette évaporation est compensée par l’apport de l’océan Indien car la très grande rareté des précipitations ( 6 à 60 mm d’eau par an) ne permet pas un approvisionnement d’eau douce ni en surface sous forme de pluie ni par la contribution des maigres cours d’eau. Le faible apport d’eau côtière et donc l’absence des sédiments qu’elle charrie explique aussi l’excellente visibilité marine qu’offre la Mer Rouge, entre 15 et 50 mètres, avec une moyenne aux alentours de 30 m.
Toutes ces conditions : fonds à profondeur raisonnable, eaux chaudes et transparentes, récifs et domaine pélagique débordants de vie font de la Mer Rouge un milieu privilégié pour l’observation de la vie marine.
Soumis aux mêmes menaces (blanchiment, attaques de l’étoile de mer Acanthaster, ...) que les autres récifs coralliens du monde, les récifs extraordinaires de la Mer Rouge le sont aussi du fait de leur situation côtière, en effet il n’existe que de très rares ilots au large.
Au début des années 80 fut créé l’agence des affaires environnementales égyptienne, le parc national marin de Ras Mohamed à la pointe du Sinaï en 1983, celui d’Abu Galum en 1992. A l’heure actuelle, 52% des côtes sont sous protection ainsi que leurs rives et les déserts attenants.
Proches des zones urbaines en Egypte, les récifs sont sous haute pression. La principale menace provient des structures hôtelières déversant des hordes de touristes, parfois très nettement éloignés des préoccupations de protection de la nature et des villes. Ainsi les zones d’ Hurghada, de Safaga, d’une bande de 300 km au sud d’El Qseir en Egypte et de Jeddah en Arabie Saoudite voient leurs récifs en très grand danger ainsi que les mangroves encore existantes. La protection de la faune marine dans le cadre de la sauvegarde de la biodiversité et dans celui de l’intérêt économique que constituent les armées de plongeurs s’opposent radicalement à ceux des complexes hôteliers. Bâti en bord de mer, piétinement des fonds et des platiers, rejets de déchets de toute nature ( les sacs plastiques tuant au large cétacés et tortues entre autres), approvisionnement en poissons récifaux pour les tables des hôtels, hyper-fréquentation des récifs et mauvaises habitudes des touristes plagistes (nourrissage et captures des animaux) sont autant de menaces directes.
Au niveau environnemental et économique, des emplacements hôteliers mal pensés, des infrastructures routières pour les touristes et l’approvisionnement en eau potable ruinent les paysages des bords de la mer. Sans compter que certains hôtels, pour de multiples raisons financières et de coûts de fonctionnement ou d’infrastructure, peuvent ne jamais ouvrir ou fermer et rester en état d’abandon définitif.
De leur côté, les autres pays côtiers (Arabie Saoudite et le Soudan) n’ont créé que de rares parcs marins.
Plus au large voire même dans la zone des parcs marins, les poissons péchés en grande quantité pour la table voient leurs populations décimées; les requins continuent à y être péchés pour que leur ailerons leur soient coupés alors qu’ils ont encore vivants pour être sécher, tandis que mérous et napoléons sont capturés et acheminés vivants vers les aquariums des restaurants avant d’être choisis par le consommateur asiatique qui scellera leur destin.
Nous vous livrons donc des images d’un endroit que vous considérerez peut-être comme un paradis bleu, mais qui malheureusement est en passe de devenir un monde de silence. C’est avec la chaleur des souvenirs de notre séjour, de la chaleur et de la lumière égyptienne, de la beauté de la vie des fonds marins que nous avons effleurés mais avec aussi le silence qu’impose le respect d’un monde en danger que nous vous convions à ce numéro de décembre de nanoZine.
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