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Une nano-salle de culture

Rubrique : Technique
Auteur : SingingLarvae
Niveau : Tous

Pourquoi pas une (nouvelle) culture ?

Depuis quelque temps, les récifalistes s’intéressent de plus en plus à la maintenance de coraux non hermatypiques, c'est-à-dire de coraux non photosynthétiques. La maintenance de tels coraux (encore rare au niveau de nos nanos et autres micros) requiert une alimentation le plus souvent distribuée sous forme de phytoplancton (micro-algues) ou zooplancton (rotifère, Artémia ou copépodes). Certains préfèrent eux offrir à leurs pensionnaires photosynthétiques (comme par exemple les Ricordeas, Zooanthus, etc) un complément alimentaire pour permettre un développement optimal de leurs souches. Là encore, la solution Phyto/Zoo est souvent employée. Mais on peut (doit) aussi envisager l’utilisation d’une telle alimentation pour élever des animaux issus de reproduction au sein de nos propres aquariums, comme c’est déjà le cas pour les poissons clowns, crevettes et autres Pterapogon kauderni. Pensez donc : votre propre élevage de Lysmata sp. !!

Dans tous les cas, on a le choix entre utiliser des produits « concentrés » en provenance du commerce (qui se garderont quelques semaines au réfrigérateur dans le cas de phytoplancton) ou bien s’essayer à une culture maison : installer sa propre nano-salle de culture !

Rapides rappels de biologie

Avant de se lancer dans la construction et la culture de nos nouveaux pensionnaires, faisons plus ample connaissance avec ces derniers.

Phyto = phytoplancton = micro-algues

Par phytoplancton, on entend généralement des micro-algues. Ces dernières ne nécessitent pas grand-chose pour se développer : de l’eau de mer, différents nutriments (phosphates, azote et traces d’éléments minéraux principalement) et surtout de la lumière !

La croissance des micro-algues suit une courbe bien définie, caractérisée grosso-modo par 4 phases :

  1. Une phase de latence, que l’on pourrait traduire par un temps d’adaptation aux nouvelles conditions de culture.
  2. Une phase de croissance exponentielle, les cellules se multipliant au maximum de leur capacité, mettant à profit l’ensemble des nutriments présent dans le milieu. C’est durant cette phase qu’une micro-algue présente le meilleur profil nutritionnel.
  3. Une phase stationnaire, les nutriments sont épuisés et/ou certains composés issus de la multiplication cellulaire viennent limiter la reproduction.
  4. Une phase rapide de décroissance, les cellules meurent, induisant une pollution importante du milieu ; on parle de crash de la culture.
Dynamique de croissance des micro-algues (Schéma : Aquoa.net)

On le voit, l’intérêt du récifaliste est de maintenir sa culture de phytoplancton le plus possible en phase 2 ; celle exponentielle. Dans la pratique, on oscille souvent entre les phases 1 et 3.

Parmi les milliers d’espèces de phytoplancton, un très grand nombre de souches peut être cultivé (certaines banques alguales comptent plusieurs centaines, voire milliers d’espèces au sein de leur catalogue). Dans la pratique, seules quelques espèces sont utilisées (pour la plupart ces dernières le sont également en aquaculture) ; les plus courantes sont au nombre de 4 : Chlorella sp. , Nannochloropsis sp. , Tetraselmis sp. et Isochrysis sp. Chacune possède ses propres caractéristiques que l’on pourrait résumer dans le tableau suivant :



Points positifsPoints négatifsCouleur
Chlorella sp.Très bon aliment pour les rotifèresProfil nutritionnel peu satisfaisantVert foncé
Nannochloropsis sp.Culture excessivement facilePeut contaminer d’autres souches du fait de sa facilité d’adaptationVert clair
Tetraselmis sp.« grosse cellule » (alimentation du corail), bon profil en acides gras, bon enrichissement pour les rotifères Tend à sédimenter si le brassage de la culture est insuffisantVert très foncé
Isochrysis sp.Très bon profil en acides gras, excellent enrichissement pour les rotifèresLa phase 3 est relativement courte, d’où une attention particulièreBrun

D’un point de vue pratique, la maintenance de 3 espèces n’est pas nécessaire pour des cultures à but « alimentation de coraux » ; une seule d’entre elle suffira. Dans le cas d’une utilisation du phytoplancton et/ou zooplancton pour élever de jeunes larves de poissons ou de crustacés, on peut conseiller un mélange à 50% d'Isochrysis sp. et de Tetraselmis sp. (le profil nutritionnel étant alors complet au niveau acides gras).La culture de phytoplancton se fait généralement à température ambiante (18-20°C), en milieu saumâtre (environ 20 gr de sel par litre ) et sous un éclairage permanent. Il est parfois recommandé une photopériode comportant une courte phase d’obscurité (par ex. 20h jour – 4h nuit). Dans tous les cas, des néons type Grolux sont parfaitement adaptés.

Zooplancton = Rotifères = Brachionus plicatilis (ou presque)

Malgré les très nombreuses espèces animales présentes dans ce que l’on appelle le zooplancton, seules 2 espèces sont couramment cultivées : les Artémias et une espèce de rotifère : Brachionus plicatilis. C’est cette dernière qui est la plus intéressante pour les récifalistes de par sa petite taille et sa bonne tenue en eau marine.

B. plicatilis est un fait un tout petit ver (phylum des Rotifera) qui peut se nourrir indifféremment de phytoplancton ou de nourritures inertes (aliments spécialisés ou même… levure de boulanger !). Cette espèce ne présente pas un bon profil nutritionnel, mais on lui reconnaît la faculté d’ « emmagasiner » les nutriments absorbés. Il faut donc considérer les rotifères comme un transporteur vivant de substances nutritives (on parle d’enrichissement), d’où l’impératif de bien les nourrir !

L’immense avantage de B. plicatilis par rapport à de nombreuses espèces est sa reproduction qui peut être asexuée ou sexuée. Un seul individu peut, si les conditions sont bonnes, donner rapidement naissance à 3 ou 4 clones de lui-même, clones qui se multiplieront eux-mêmes par la suite. On peut donc, à partir d’une petite souche, produire rapidement de grandes quantités de rotifères. Une culture en bonne santé présentera sous une forte loupe ou un microscope des rotifères circulant rapidement dans le milieu et porteurs de nombreux œufs.


Cycle de vie schématisé de B. plicatilis (Schéma: K.L. Schultz)

Cette espèce se cultive de préférence dans une eau saumâtre (20 à 25 gr /litre) et de 20 à 27°C (25°C étant une température optimale). Ces animaux étant relativement sensibles au taux d’ammoniac, il convient de renouveler fréquemment l’eau de culture (par exemple lors de l’ajout de phytoplancton). De même, il faut éviter de trop grands chocs osmotiques (variations brusques de salinité, par exemple lors de l’ajout de phytoplancton ou lors de l’introduction dans l’aquarium).

Une nano salle de culture

Matériel technique

Pour monter une nano-salle de culture, il vous faudra réunir le matériel suivant :

  • Bouteilles d’eau minérale, soda, etc…., de 1.5 litres à 5 litres
  • Pompe à air et tuyaux à air
  • Eau de javel contenant exclusivement de l’hypochlorite de sodium (et aucun autre composé) ; à défaut un four à micro-ondes
  • Eau du robinet / Eau osmosée
  • Sel synthétique
  • Dans le cadre d’une culture de phytoplancton : un engrais liquide pour plantes vertes, un tube fluorescent (les Grolux Sylvania sont parfaits pour cette utilisation)
  • Dans le cadre d’une culture de rotifères : un tamis à plancton de 100µm, à défaut, un filtre à café « permanent » (filtre en mailles plastique), une culture de phytoplancton, éventuellement de la levure de boulanger, un petit aquarium et une résistance

Nano salle de culture (phyto- et zoo-plancton) (Photos : Advance Aquarist Online Magazine)

Généralités

La culture de tels micro-organismes (phyto- et/ou zoo-plancton) ne présente aucune difficulté tant que l’on respecte quelques règles de bases :

  • Tout le matériel doit être systématiquement désinfecté
  • Chaque espèce / souche ne doit en aucun cas être mélangée avec une autre (sous peine de voir une seule espèce supplanter toutes les autres)
  • Toute culture qui présente une odeur, un aspect (mousse, couleur), etc. peu ragoûtant devra être immédiatement éliminée.

La stérilisation est une des étapes qui doit être la plus soignée, bien qu’assez contraignante. On utilise pour se faire soit de l’eau de javel (vérifier sur l’étiquette qu’elle ne contienne que de l'hypochlorite de sodium) soit un four à micro-ondes.

Pour une désinfection à l’eau de javel, ajouter environ 2 ml d’eau de javel par litre d’eau à désinfecter. Laisser l’ensemble reposer 24 heures, puis aérer fortement durant 4 heures minimum. L’eau de javel étant un composé volatil, il ne restera que de l’eau stérilisée et vous n’aurez plus qu’à ajouter votre sel synthétique (environ 20 gr -s de sel par litre). L’avantage de cette méthode est que l’on peut stériliser ainsi tout à la fois le récipient de culture (nos bouteilles d’eau minérale), le tube d’aération et l’eau !

Le four à micro-ondes permet de stériliser efficacement l’eau : il suffit de placer la quantité souhaitée dans un récipient, de passer l’ensemble à puissance maximale durant 2 minutes (l’ébullition n’est pas requise) et de transférer le tout, une fois refroidi dans une bouteille préalablement lavée et soigneusement rincée. Ajouter le sel et c’est prêt !

Protocole simplifié de culture de Phyto

La culture de zooplancton doit se faire en permanence sous illumination, les Grolux de Sylvania conviennent parfaitement bien, mais toute source lumineuse peut convenir. Pour grandir, le zooplancton ne vous demandera que cela, une aération forte (un tuyau à air branché sur une petite pompe) et une petite quantité de nutriments, ajoutés sous la forme de 5 gouttes d’engrais liquide par litre de culture (en plus bien sûr de l’eau de mer stérile !).

L’objectif étant de maintenir en permanence la souche de phytoplancton en phase 2, la méthode la plus simple est celle dite de culture en "batch" : on introduit dans une bouteille de culture un petit volume de phytoplancton appelé inoculum (on recommande d’introduire 100 à 200 ml pour 1 litre de volume) que l’on laisse se développer jusqu’à son optimum (en général au bout de 3, 5 jours). Une fois cet optimum atteint, soit on utilise cette culture pour en démarrer de nouvelles, soit on l’utilise pour alimenter son zooplancton ou son aquarium.

Afin de se prémunir de tout risque (crash, problème de contamination, etc.), il est recommandé de maintenir 4 à 6 bouteilles de 1,5 litres de culture en permanence dans la nano-salle de culture (par exemple, 2 bouteilles en phase de démarrage, 2 en phase intermédiaire et 2 « récoltables »). Ces 4 à 6 bouteilles permettront d’alimenter vos coraux en phytoplancton et de maintenir une petite culture de rotifères.

En résumé :

  • Milieu de culture : 1 bouteille de 1.5 litre avec 1 litre d’eau saumâtre stérile (20 gr -s de sel /litre) et 5 gouttes d’engrais liquide
  • Branchement de la bouteille de culture sur une pompe à air : bullage moyen à fort ; illumination continue par une source lumineuse (fluorescent)
  • Innoculum (mise en culture) : 100 à 200ml d’une culture de phytoplanctonexistante
  • Culture durant 3 à 4 jours
  • Récolte au bout de 4 à 5 jours, exploitable durant 2 jours environ

Protocole simplifié de culture de rotifères

La culture de rotifères demande un peu plus de « doigté » que celle du phytoplancton. En effet, comme indiqué auparavant, les rotifères sont sensibles à l’ammoniac (cela tend à réduire leur capacité de reproduction), mais aussi au manque d’aliments. Il faudra donc doser soigneusement les ajouts de nourriture !

Le démarrage d’une culture se fera là encore dans une bouteille d’eau minérale, d’un volume de 1.5 litres (petite culture) ou de 5 litres (grandes cultures) remplie d’eau saumâtre stérile. Il suffit d’introduire dans ce volume un inoculum de rotifères (environ 200 ml) et du phytoplancton (environ 700 ml dans le cas d’une petite culture et 2.5 litres dans le cas d’une grande culture) ; branchez le tout sur votre aérateur, le bullage devant être doux à moyen. Placez la bouteille dans un petit aquarium rempli d’eau dans lequel vous placerez une résistance réglée à 25°C (bain marie) ; de cette manière, on peut implanter plusieurs cultures en utilisant un seul thermostat.

En une petite semaine, la couleur de la culture va passer de vert à un vert-jaune. En observant soigneusement, on devra distinguer de nombreux petits points blancs : nos rotifères qui se sont multipliés ! Une culture saine et bien établie présentera une couleur oscillant entre le blanc cassé et le jaune et une très légère mousse sur le dessus ; les rotifères observés à la loupe auront de nombreux œufs et se déplaceront rapidement ; si ce n’est pas le cas, démarrez rapidement une nouvelle culture.

En prélevant chaque jour une portion d’une culture mature (de 5 à 15% du volume total suivant l’aspect de la bouteille), on pourra remplacer le volume prélevé par un volume égal de phytoplancton ou par de l’eau saumâtre stérile additionnée d’un peu de… levure de boulanger ! La levure de boulanger (attention, la véritable levure de boulanger !) peut effectivement être utilisée pour nourrir vos rotifères. Pour se faire, diluez quelques grammes dans un peu d’eau saumâtre stérile et ajoutez de 5 à 15 gouttes dans votre culture.

Le volume récolté quotidiennement peut servir à démarrer une nouvelle culture (on recommande là encore une culture par batch ; une bouteille ne devant pas excéder 2 à 3 semaines de production) ou à alimenter vos pensionnaires. Pour récolter les rotifères, passez le milieu de culture récolté sur votre tamis à plancton ou à défaut votre filtre à café « permanent », rincez rapidement à l’eau de mer puis introduisez dans votre aquarium, brassage et écumeur coupé.

En résumé :

  • Milieu de culture : 1 bouteille de 1.5 litres avec 700 ml de phytoplancton et 100ml d’eau saumâtre stérile (petite culture) ou 1 bouteille de 5 litres avec 2.5 litres de phytoplancton et 2 litres d’eau saumâtre
  • Température de culture : 25°C
  • Branchement de la bouteille de culture sur une pompe à air : bullage doux à moyen ; illumination non requise
  • Mise en culture : 200ml (700ml dans le cas d’une grande bouteille) d’une
    culture de rotifère existante
  • Culture durant une semaine
  • Récolte durant 2 à 3 semaines en prélevant de 5 à 15% du volume total
  • Alimentation journalière en remplaçant le volume prélevé par du phytoplancton
    ou de l’eau saumâtre additionnée de 5 à 15 gouttes de levure de boulanger
  • Récolte des rotifères en passant le milieu de culture sur un tamis à plancton (100 µm) ou à défaut un filtre à café « permanent », rincer rapidement à l’eau de mer puis introduire dans l’aquarium

Se procurer une souche

Pour démarrer vos cultures, le plus difficile sera de se procurer une souche de départ. Pour se faire, il vous est soit possible de passer par un ami maintenant déjà de telles cultures (renseignez vous auprès des clubs, forums, etc.), soit d’acheter directement vos souches. Vous trouverez ci-après quelques adresses :

  • Marine Life : Préférez les cultures de phytoplancton pures, non celles en mélanges !
  • Nauplium (encore en activité ?) : Nauplium, route d’Arles, 13270 Fos sur Mer
  • AlgoBank : Une banque alguale française. Les souches sont garanties 100% pures

Liens

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