Ecosystèmes coralliens
Auteur: systemc
Rubrique: vivant
Niveau: tous
Les notions de récif et de récif corallien
Ce sont des constructions solides et persistantes: Solides, car ils sont constitués par les parties dures du squelette. Persistantes, car ils résistent aux chocs après la mort des organismes (ex récifs de l’ère primaire, surélevés aériens); les interstices sont colmatés et soudés.
Ils possèdent une topographie positive: Ils sont construits depuis le fond marin sur un substrat générateur dur et peuvent, ou non, affleurer à la surface des océans; ils constituent une hantise pour les marins.
Ils ont un développement important: Parmi les plus grands récifs il faut citer La Grande Barrière Australienne, les récifs de Nouvelle Calédonie qui dépassent 2000 km de long et ceux de Mayotte
Ils sont capables de modifier les conditions écologiques du milieu: Ces modifications sont physiques, sur les mouvements de l’eau qu’ils arrêtent (houles, vagues), protégeant ainsi les littoraux. Ces modifications sont chimiques tant par l’utilisation des nutriments du milieu que par les déchets qu’ils produisent.
La distribution des récifs et ses facteurs
La distribution s’appréhende à différentes échelles spatiales.
Globalement les récifs sont répartis dans les zones où la température hivernale reste supérieure à 18°C.
Rôle de la température : la température optimale est 22-28°C; le rôle des grands courants chauds et froids est donc important. La température minimale est de 18°C ce qui entraîne une distribution asymétrique sur les côtes Est de l’Atlantique et du Pacifique plus froides que les côtes Ouest. Il existe des seuils de tolérance, aux températures basses et hautes, variables suivant les espèces; ils agissent probablement sur la nutrition et la reproduction.
Rôle de l’exondation : les coraux supportent mal les exondations donc il existe une relation étroite avec les marées. Mais là aussi il existe des différences entre les espèces, ainsi les coraux des Caraïbes sont rarement soumis à l’exondation et cette différence pourrait expliquer des différences de structures entre les récifs Indo-Pacifiques et ceux des Caraïbes. Des Basses Mers exceptionnelles peuvent avoir des effets catastrophiques
Rôle de la sédimentation : la variation spécifique très forte de la résistance (en rapport avec la sécrétion de mucus et les mouvements des cils) peut expliquer des zonations à l’échelle locale. Peu d’espèces sont localisées dans les zones turbides, sauf quelques espèces (Fungia, Trachyphyllia ...)
Rôle de l’hydrodynamisme : il est étudié à différentes échelles spatiales avec le rôle des vents, courants et vagues
Distribution bathymétrique
Avec la profondeur le nombre d’espèces coralliennes diminue.
Avec la profondeur le taux de recouvrement total diminue.
Avec la profondeur le taux de croissance des espèces coralliennes diminue en rapport avec la diminution de lumière beaucoup plus qu’avec celles de l’oxygène et de la température.
Elle est en relation avec la transparence de l’eau: la croissance est bonne jusqu’à une valeur de l’irradiance de 30 à 40 %, elle est maximum juste au-dessous de la surface de l’eau. Si l’irradiance est plus faible, certaines espèces comme Stylophora pistillata (Mer Rouge) peuvent se développer avec 1 % de lumière de surface; dans ce cas, ce sont alors de petites colonies et non des récifs
La répartition mondiale
C’est la zone principale, avec une riche diversité. Elle comprend deux sous-régions:
La sous-région orientale comprend la Mer Rouge, l’Océan Indien occidental et l’Océan Indien Oriental.
La sous-région occidentale comprend le Pacifique tropical central avec la Malaisie, les Philippines et l’Indonésie dont les récifs sont très riches et divers. La Grande Barrière Australienne représente à elle seule 200 000 Km2.
Le Pacifique Occidental avec ses nombreux archipels est aussi une zone à forte richesse, alors que le Pacifique oriental est nettement plus pauvre
Zone Atlantique
Elle ne représente que 1/20e de la zone Indo-Pacifique; la richesse et la diversité sont plus faibles; aucune espèce n’est commune aux deux zones.
Elle comprend principalement la région des Bermudes et les Caraïbes.
Les côtes du Brésil et de l’Afrique Occidentale sont pauvres en espèces et en individus.
Principaux types de récifs et formation
La classification morphologique est due à Darwin: Récifs frangeants, Récifs barrières, Récifs Plate-forme, Atolls
Les récifs frangeants bordent une terre émergée. Ils sont assez étroits et récents. Ils peuvent être séparés de la côte par un chenal d’embarcation (appelé improprement " lagon " dans certaines îles).
Les récifs barrières sont plus larges et plus éloignés de la côte. Ils sont séparés de la côte par un lagon qui peut être large de plusieurs milles et atteindre une profondeur de plusieurs dizaines de mètres. Des îlots sableux portant une végétation caractéristique peuvent se constituer sur une barrière. Ils sont interrompus au niveau de passes, qui correspondent à des rivières anciennes.
Les récifs plate-forme ou banc récifal sont des édifices en pleine mer.
Les atolls sont de grands récifs annulaires, situés au large, enserrant un lagon central. La partie émergée peut porter des accumulations sédimentaires, avec une végétation caractéristique (cocotiers).
Les larves coralliennes se fixent sur fond dur (rocheux ou déjà madréporaires). Les survivantes, en nombre variable, déclenchent l'initiation de la colonisation du sous-sol (substrat) avec toute une faune associée. Cette phase se déroule en eaux peu profondes, pour une croissance rapide des squelettes des coraux et des algues calcaires pour cimenter. Les matériaux détritiques viennent colmater les interstices (foraminifères, mollusques, piquants oursins, débris coralliens). L’ensemble est en perpétuel remaniement.
Géomorphologie et peuplements caractéristiques
Les différentes catégories de récifs présentent des zones homologues, dues à l’action des facteurs géomorphologiques dominants. Cette zonation est la plus complexe dans les atolls et les récifs barrières; elle comporte depuis le large une succession de biotopes hébergeant des flores et faunes caractéristiques :
-Le glacis correspond à une pente modérée en avant du récif, entre 30 et 50 m de profondeur, recouverte de coraux et de débris.
-La pente externe a une forte déclivité, elle est soumise à un fort hydrodynamisme. Sa partie supérieure comporte une alternance de crêtes ou éperons et de sillons couverts de blocs et débris. C’est une zone riche en coraux et algues calcaires.
-La crête récifale ou front est l’étroite zone de passage au platier; elle est souvent dominée par algues lithothamniées.
-Le platier externe est plus horizontal, encore soumis à un fort hydrodynamisme; les coraux y sont florissants.
-Le platier interne fait suite à la levée récifale détritique qui correspond à une zone de débris ou blocs, parfois importants, arrachés à la pente externe; il est horizontal; très variable (platier à alignements transversaux, compact, à madréporaires, à pâtés dispersés, à microatolls, à herbiers, ...); il peut porter des formations construites et/ou des débris sédimentaires.
-La pente interne a une déclivité qui raccorde le platier au lagon; elle est plus abritée; elle comporte moins de formations construites et elle est constituée surtout de débris coralliens grossiers puis fins.
-Le lagon est formé de sédiments meubles où on peut observer un gradient de sédiments d’origine terrigène en se rapprochant de la côte. Les formations coralliennes se répartissent en pâtés ou en pinacles coralliens; par ailleurs on peut trouver des dalles, correspondant à des récifs anciens.
-Les faciès variés peuvent héberger des herbiers, des champs de tumuli, des buissons de madréporaires,....
-Les passes sont des interruptions dans un récif; elles permettent la sortie des eaux du lagon et sont soumises à de forts courants (8 nœuds). Les peuplements d’espèces pélagiques y sont riches et quelques espèces benthiques (gorgones) s’accrochent sur leur substrat .
Fonctionnement des récifs
Comme les autres écosystèmes, le fonctionnement des récifs est basé sur des chaînes trophiques complexes.
Les producteurs comprennent des groupes benthiques ( principalement les coraux et leurs zooxanthelles, les herbiers, les macro-algues et le microphytobenthos), mais aussi des groupes pélagiques comme le phytoplancton
Les herbivores sont les consommateurs primaires; ils comprennent de nombreux mollusques, oursins et poissons.
Les consommateurs secondaires comprennent des organismes filtreurs comme des vers polychètes, des échinodermes,...des détritivores comme des crustacés ou des holothuries, enfin des carnivores comme des poissons ou des échinodermes (Acanthaster)
La structure des récifs dépend de phénomènes antagonistes de construction et de destruction.
Les constructions et le métabolisme
Le corail est un polype vivant dans une coupe rigide composée de carbonate de calcium (calcite ou aragonite) qu'il sécrète lui-même. Tout comme ses frères et sœurs les méduses, les anémones, les pennes de mer et les millépores, il appartient à l'embranchement des cnidaires, dont le mode d'organisation est le plus simple de tous les animaux multicellulaires. Le polype possède un corps cylindrique et une bouche entourée d'un anneau de tentacules. En fait, à quelques différences près, il s'agit d'une anémone miniature.
Les coraux peuvent être solitaires (une seule coupe, un seul polype) ou coloniaux. Dans ce dernier cas, les coupes, contenant chacune un polype, se soudent les unes aux autres pour former une colonie qui comprend des milliers d'individus et peut s'étendre sur quelques mètres. Dans ce condominium sous-marin, les locataires bénéficient de plusieurs avantages écologiques en matière de protection, d'alimentation, de reproduction, de stabilité génétique et de respiration.
Les coraux hermatypiques qui sont ceux qui construisent les récifs contiennent des algues unicellulaires, les zooxanthelles, à des densités de l’ordre de 1 millions de cellules par cm2. Ces algues ont besoin de lumière pour la photosynthèse. Elles utilisent alors le gaz carbonique dissous dans l’eau de mer, l’azote et le phosphore minéral pour fabriquer de la matière organique qui sera utilisée par le polype. En déplaçant l’équilibre des carbonates, elles facilitent la précipitation du carbonate de calcium, base du squelette des coraux
Les zooxanthelles éliminent rapidement l ’anhydride carbonique produit par le métabolisme des coraux et qui dissous le carbonate de calcium. Ainsi les zooxanthelles augmentent la production de calcaire qui peut-être dix fois supérieure à celles des coraux démunis d'algues.
Les cellules ectodermiques de la région basale du polype produisent des filaments chitineux extrêmement fins qui garnissent les vides situés entre le polype et le squelette. Les cristaux de calcaire croissent dans cette zone, dans une solution sursaturée en ions calcium de consistance gélatineuse .
Les remaniements
Les remaniements sont permanents dans les constructions coralliennes, surtout dans les zones sédimentaires (bioturbation), par action d’enfouissement et/ou de nutrition d’organismes psammivores comme les holothuries. Les quantités de sédiment superficiel remaniées sont très importantes et contribuent à la circulation de l’oxygène et des nutriments.
La destruction par les cyclones
Les récifs coralliens subissent de plein fouet la houle cyclonique. Le glacis et la pente externe sont particulièrement touchés. Les massifs coralliens brisés de la zone 0-30 m dévalent la pente en détruisant tout sur leur passage. C'est ainsi, qu'après les cyclones de 1983 en Polynésie Française, plus de 80 % des coraux de l'extérieur de l'atoll de Tikehau ont été détruits (Harmelin-Vivien & Stoddart, 1985).
La bioérosion
C'est l'ensemble des actions menées par des organismes marins (appelés microforeurs, macroforeurs et brouteurs) qui provoquent la dégradation du récif corallien.
L'érosion peut être d’origine biologique, physique ou chimique et ces facteurs agissent souvent en interaction, car des coraux fragilisés par une érosion d’origine biologique seront plus sensibles aux autres facteurs réciproquement.
Rôles des Corallinales dans les écosystèmes coralliens
Les Corallinales désignent un ordre d’algues rouges (Rhodophyta) comptant au moins deux familles : les Sporolithacées et les Corallinacées, et plus de 700 espèces.
Ces algues se caractérisent par un thalle "dur" , cette rigidité est dûe à des dépôts calcaires dans la paroi interne des cellules. Chez les Corallinacées on reconnait des formes entièrement calcifiées, que l'on qualifie d' 'encroûtantes' ou 'non-articulées' que l'on oppose aux formes 'articulées' chez lesquelles la calcification est interrompue plus ou moins régulièrement le long du thalle laissant apparaitre des zones souples (articulations). Les Sporolithacées montrent des formes exclusivement encroûtantes.
On utilise communément le terme anglosaxon 'corallines' pour parler des formes encroûtantes des Corallinales
Lorsque les parois sont totalement imprégnées de calcaire, les algues forment une masse entièrement calcifiée, pouvant être une croûte compacte à la surface lisse, ou au contraire verruqueuse, voire branchue. Il s'agit des formes 'encroûtantes' d’aspect «pierreux ».Lorsque qu’il existe des zones non calcifiées, le thalle est formé d'une succession de segments calcifiés (articles) et de segments souples (articulations) conférant à l'ensemble un aspect robuste mais flexible. Il s'agit généralement de formes ramifiés et articulées.Dans les clés d'identification des Corallinales, on oppose généralement les formes encroûtantes aux formes articulées. En revanche, ce critère morphologique ne permet pas de constituer des groupes monophylétiques, c'est à dire que toutes les Corallinales encroûtantes ne descendent pas directement d'un même ancêtre commun. L'état de caractère "encroûtant" a pu apparaître plusieurs fois lors de l'histoire évolutive des Corallinales.
Les Corallinales sont exclusivement marines. Elles sont présentes dans tous les océans et peuvent atteindre des records de profondeur pour les macroalgues (-262m aux Bahamas). Elles recouvrent le plus souvent l’ensemble des subtrats rocheux. Certaines Corallinales sont épiphytes (elles grandissent sur d’autres algues ou sur des phanérogames marines : par exemple en Méditerrannée les feuilles des Posidonies sont tachetées de rose), d'autres épizoïques (fixées sur les coquilles des mollusques), voire d'autres endolithiques (forant les substrats calcaires) ou parasites dans d'autres Corallinales.On distingue également des formes libres tels que les rhodolithes (nodules compacts libres) ou le maërl (nodules branchus) formant des accumulations d'algues rouges calcaires vivant librement sur les fonds meubles infralittoraux; le maërl constitue des "bancs" auxquels est associé le développement de toute une macroflore et une macrofaune.Les Corallinales encroûtantes sont très diversifiées dans les eaux tropicales. Elles y jouent un important rôle de bioconstructeur des récifs coralliens (cf. paragraphe suivant).Le thalle des Corallinales varie en général du rose au rouge, mais prend aussi parfois des nuances mauve, bleu-gris, gris-vert, voire jaune. Chez une même espèce la couleur peut varier en fonction de l'exposition à la lumière. En zone profonde, ou dans les habitats peu éclairés les couleurs sont généralement foncées, alors qu'en plein exposition solaire les thalles prennent des couleurs jaune -orangé en raison de la forte proportion de caraténoides photo-protectants.
Les algues marines rouges calcifiées encroûtantes (ou non-articulées) appartenant aux Corallinacées et Sporolithacées jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement et l’évolution de l’écosystème corallien. Elles participent avec les coraux hermatypiques (coraux à symbiontes) à la construction de l’édifice corallien. Les Corallinales apportent la matière première calcaire (le ciment) et structurent l'ensemble du récif; ceci est tout particulièrement visible dans les zones de fort hydrodynamisme où les coraux auront tendance à être moins développés voire cassés. Les Corallinales peuvent représenter jusqu'à plus de 40% de la biomasse des récifs.De plus, les Corallinales forment des assemblages plurigénériques caractéristiques d’un type d’environnement récifal. En raison de la trame calcaire, les Corallinales fossilisent très bien. Elles constituent de ce fait un groupe d’intérêt particulier pour l’étude des archives sédimentaires et sont considérées comme de bons indicateurs pour la reconstitution des paléoclimats et paléoenvironnements. Ce sont d'excellents marqueurs stratigraphiques de l'ère Quaternaire.Les Corallinales sont en quelque sorte les témoins de l'évolution des récifs.
Les Corallinales stockent du carbone à la fois par les activités de photosynthèse et part les processus de calcification du thalle. A l’échelle de la planète et plus particulièrement des océans, les formations d'algues calcaires représentent un des plus grands stockages de carbone dans la biosphère.
D'autres rôles peuvent être encore attribués aux Corallinales : en premier lieu elles offrent à un ensemble d'organismes brouteurs, commes les poissons perroquets, les oursins, les patelles, les polyplacophores (mollusques) un support nutritif.
- elles favorisent et conditionnent certaines étapes du développement d'organismes marins (larves de mollusques, oursins, coraux),
- elles consitutent pour diverses espèces fixées un substrat d'accrochage leur permettant alors de se développer,
- elles abritent dans les microanfactuosités du thalle une communauté d'invertébrés libres (crustacés, mollusques..),
- enfin leur squelette calcaire abrite souvent une microflore et microfaune d'espèces perforantes ou endolithes.
La diversité, la richesse et le développement des communautés biologiques récifales (algues, poissons, mollusques, …) sont donc intimement liés aux Corallinales.
Cet article est tirée en partie de :
Bigot L, Chabanet P, Charpy L, Conand C, Quod J-P, Tessier E (2000) CDROM : "Suivi des Récifs Coralliens" PRE-COI/UE
Merci à Sabine pour ses superbes photos.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire