Mensuel internet des micro et nano aquariums récifaux

Observations et réflexions

Auteur : Philippe (liam)

Lors de notre voyage, certaines constatations se sont imposées qui parfois nous font encore nous questionner sur des idées reçues de l’aquariophilie. En vous les faisant partager, peut être un peu trop d’une manière pèle mêle à votre gout, nous espérons enrichir vos connaissances malgré tout.
Vedette d’un certain visage de l’aquariophilie marine, la symbiose clowns/anémone n’est pas systématique. Toutes les espèces d’anémones ne sont pas fréquentées : le sont E. quadricolor, H. crispa et H. magnifica alors que H. aurora et l’anémone carpette ne le sont pas. Chaque fois qu’il y a une anémone fréquentable, il y a des clowns ou d’autres poissons symbiotiques.

Mais au moins une fois nous avons observé des clowns dans Alcyonum fulvum. En revanche la reproduction des clowns se fait toujours dans la protection des anémones.

Il y a deux types de brassage suivant les écotypes : les tombants et les récifs et à l’opposé le platier ; les premiers subissent un flux laminaire parfois très fort alors que le second subit des courants croisés et donc l’installation d’une Wave Box ou un courant multi directionnel est souhaitable. Soit dit en passant la force du courant est infiniment plus forte que dans nos bacs.

Les pierres vivantes de la Mer rouge sont très denses du fait de la croissance des divers coraux les uns sur les autres.

La coralline pousse dans les grottes très faiblement éclairées alors que les zones en pleine lumière sont couvertes de micro algues et surtout de sédiments.
La lumière n’est pas un facteur limitant : nous avons vu pousser côte à côte des symbiotiques et des non-symbiotiques ; de même avons-nous vu pousser certains acropora ou des Sinularia à l’ombre relativement profonde de formations coralliennes, à l’inverse nous avons vu Dendronephthya et Tubastrea à moins de 1 mètre sous la surface. En revanche, malgré tout, certaines espèces ne se rencontrent qu’à l’ombre la plus totale et ce sont essentiellement des non symbiotiques : Dendrophylla sp., Tubastrea aurea, certaines petites gorgones et l’hydraire Distichopora sp, à l’inverse Tubastrea micrantha est trouvé presque tout le temps en pleine lumière.

Il y a toujours un très fort mélange dans les sites protégés ou sains de coraux mous et durs. Les plus rencontrés :

Durs, SPS : Pocillopora, Stylophora, Montipora, Acropora, Porites et Seriatopora
LPS : Fungidés, Platygyra, Plesogyra et Favidés.
Mous : Xenia et Heteroxenia, Nephthya, Sarcophyton, Sinularia, Lithophyton

En revanche, l’accès à la nourriture semble être le vrai facteur limitant : dans les tombants au large où se rencontrent les plus forts courants laminaires nord/sud se trouvent les grandes populations de planctophages non symbiotiques : gorgones, Dendronephthya côtoient en pleine lumière les symbiotiques.

Les grandes populations de Goniopora sp. se trouvent aussi dans ce type d’endroit d’où la nécessité évidente de les nourrir en bac.

La même chose se rencontre de manière évidente pour les poissons : les zones de platier dénudées sont exploitées par les herbivores, alors que les zones où passent les masses de planctons voient se développer des chaines alimentaires complètes du petit poisson aux prédateurs vivants sur le site (rascasses, murènes, mérous) ou itinérants (carangues, thons, requins, dauphins).

Contrairement à une idée reçue, Xenia umbellata pompe qu’il soit dans un courant fort ou faible.
Mis à part Xenia qui peut se trouver sur le sable en colonisateur et Pocillopora/Stylophora, quasiment aucun corail ne pousse sur le sable mais toujours sur substrat « rocheux » coralligène.D’autre part, Pocillopora et Stylophora sont deux espèces qui imposent un périmètre à ses voisins, ce qui serait une des explications de la croissance des massifs dans les trois dimensions et de leur absence de multiplication : rareté des colonisateurs et leur agressivité.

En outre, la faible vitesse de croissance du corail en milieu naturel est une autre explication, d’autant plus que les massifs sont soumis à la prédation humaine. A la surface des platiers, on note un hyper-piétinement qui aboutit à une mise à nu totale de la « roche », sur cette surface croissent des micro algues ce qui fait apparaitre un peuplement de micro et macro brouteurs (BH, Naso sp., blennies, etc. ) mais aussi d’espèces vivant en relation avec les tapis algaux comme certaines espèces de demoiselles.

Sur le pourtour des récifs, au moins en Mer rouge, deux mesures ont été mises en œuvre il y a plusieurs années pour lutter contre la prédation d’origine humaine : interdiction du port des gants, d’où moins d’accroches possibles aux aspérités du fait de la dangerosité des espèces rencontrées (coraux coupants ou urticants, poissons venimeux ), mais cela ne prémunie pas contre les coups de palmes ; et, mise à demeure sur les récifs de boots pour arrimer les bateaux d’où la suppression des bris provoqués par les ancres de mouillage.

Sur notre semaine de plongée, nous avons noté des températures relativement uniformes sur les différents sites entre 26 et 27° c même en profondeur jusque 25 mètres, mais à certains endroits, et de nuit, on a rencontré des courants chauds très sensibles, dans certains secteurs de la Mer Rouge des températures de l’eau de plus de 30 degrés ont été relevées, donc la température n’est pas à elle-seule une facteur délétère pour les coraux, quelque chose contre balance son action.
Sur les surfaces coralliennes, nous avons constaté une lutte pour l’implantation entre coraux durs et mous et inter-espèce se jouant. Au demeurant, certains coraux mous profitent du moindre support : Xenia umbellata sur corail de feu Millepora sp. et l’acyonaire Alcyonum fulvum sur les tiges de phanérogames ( ce qui donne une indication de la population réduite sur le site des grands brouteurs de phanérogames comme les tortues et les dugongs) car les animaux ont le temps de développer leur colonie sur les végétaux.

En revanche, lorsque meurt une colonie de dur, nous n’avons pas eu le loisir d’observer de recolonisation immédiate par une autre espèce de corail à sa surface mais par des populations de micro algues, entretenues ou non par les poissons ( Plectoglyphididon sp . par exemple ). Une portion importante du coralligène est de surcroit colonisée par de multiples espèces de spongiaires de toutes tailles et toutes couleurs, parfois aussi par des tuniciers. Les corallimorphaires (Discosoma sp.) n’ont quasiment jamais été observées sauf sur un site très sédimenté et coincées entre les blocs de coraux.

Certains coraux semblent plus que d’autres tolérer la proximité d’autres espèces, ainsi Acropora sp. se faufilent au départ dans les interstices de coralligène ou d’autres colonies pour ensuite croître. Les Montipora sp. encroutants, Pocillopora et les LPS poussent plus à l’écart voire même isolés.
Autre surprise, les espèces des Fungidés existantes en Mer Rouge n’ont jamais été vues sur le sable où elles risquent l’enfouissement dans les sédiments, mais au contraire toujours dans les massifs coralliens, soit avec un squelette épousant la forme de l’espace libre soit posées sur une colonie d’une autre espèce de corail.
Voilà, notre grande surprise, mise à part l’explosion extraordinaire de vie dans le monde marin , alors que le monde terrestre est si désertique, c’est la très grande homochromie des paysages coralliens et ce malgré la multitude d’espèces de corail. Parfois surgissent des colonies roses de Pocillopora ou de Stylophora, des bleutés ou des violets dans les pointes des Acropora, ou une transparence violette irréelle d’un grand Dendronephthya, mais la quasi-totalité des couleurs est une déclinaison de blancs et de beiges, l’absorption des couleurs du spectre lumineux à mesure que l’on descend en profondeur contribue aussi grandement à ce phénomène. A ce regard, les bacs flanqués d’une multitude d’espèces coralliennes et de leur couleurs nous ont semblés très artificiels. Dans le monde marin, les rois de la couleur sont les poissons et certains invertébrés vagiles ou sessiles.

Ce sont donc quelques constats qui, nous espérons, vous donneront des idées pour concevoir des bacs plus éco typiques.

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