Mensuel internet des micro et nano aquariums récifaux

Encore le cycle de l’azote....

Rubrique : Technique
Auteur : JLC
Niveau : Débutant

L’aquariophile contrôle un petit monde fermé, son aquarium-microcosme. C’est une responsabilité certaine. Pour le faire vivre sans trop de heurt il est toujours intéressant de réfléchir (encore) à quelques points de son fonctionnement. Les propos qui suivent sont une simplification de la réelle complexité, que les bio et les puristes me pardonnent. Et désolé de reprendre encore une fois un sujet bien rebattu.

Réseau trophiques dans un aquarium récifal ?

Les ‘réseaux trophiques’ sont les chaines alimentaires reliant les organismes d’un écosystème. C'est-à-dire les relations entre producteurs et consommateurs, chasseur et proie, herbivores, carnivores et détritivores, etc. du même biotope.

Dans ce schéma, les premiers de l’échelle sont les producteurs autotrophes ce qui signifie que ceux-ci produisent (ou synthétisent) de la matière organique à partir d’énergie (ici la lumière) et de molécules chimiques inorganiques. Ces organismes remarquables sont les végétaux, pourtant assez peu appréciés dans nos aquariums. Les plantes sont aussi les espèces pionnières, premiers signes de vie dans un univers minéral ou... un aquarium débutant, ce n’est pas signification.

Des animaux herbivores vont pouvoir s’en repaitre, ce sont les organismes hétérotrophes, c’est à dire qui se nourrissent de matière organique. Les gammares, gastéropodes, vertébrés sont les consommateurs primaires de cette famille.

A leur tour ceux-ci servent de nourriture à des animaux prédateurs carnivores qui sont eux-mêmes mangés par d’autres, etc.

Enfin les fèces et les cadavres sont utilisés par les organismes situés ‘en fin de chaîne’, les décomposeurs (nos détritivores) et, pour l’ultime étape, les êtres unicellulaires, bactéries, dont les bactéries nitrifiantes et les bactéries dénitrifiantes qui dégradent les dernières particules organiques en molécules chimiques neutres, celles-ci pouvant de nouveau servir de base au métabolisme des organismes photosynthétiques, etc. etc.

Ces relations trophiques forment dans la nature un ‘cycle’, que l'on peut considérer parfait, une répétition d’organisation et de désorganisation des matières constituants les organismes vivants ; azote et carbone. Ce ‘cycle de l’azote’ dans le monde fermé de l'aquarium préoccupe beaucoup l’aquariophile car une crainte est de voir ce dernier ne pas s’accomplir totalement et que la phase ‘dénitrification’ soit défaillante, alors s’accumulent les nitrates pouvant causer la perte de ses fragiles invertébrés (le taux très bas de 10mg/l de NO3 est considéré comme juste acceptable).

Autre schéma du même thème, non pas, cyclique ou circulaire mais pyramidal : les différents maillons de la chaine trophique ne sont pas présents en quantités égales. La perte lors du transfert en énergie de chacune des étapes est de 90% environ. La structure repose donc sur une base large de producteur et s’affine au fur à mesure que l’on s’élève dans la ‘hiérarchie’ des prédateurs. Dix gammares nourrissent un gobie, dix gobies un Pterois, dix Pterois une murène, etc. etc.

L’idéal serait de disposer d’un aquarium reproduisant très exactement le biotope récifal naturel. Même si on exclu la difficulté et même l'irréalisme de la réalisation, le but d’un aquarium est de conserver des animaux, poissons ou invertébrés remarquables, de les mettre en valeur, pas de tenter de reproduire un complexe réseau trophique. (Heureusement d’ailleurs car la tâche est rude et disposer d’une biodiversité aboutissant à un parfait équilibre dans un microcosme, un véritable défit qui reste à accomplir.).

Des animaux sont ainsi introduits dans l’aquarium par l’aquariophile, volontairement et parfois aussi involontairement. Même avec un plan de population ultra raisonnable et une recherche maximale de biodiversité, notre belle pyramide est bancale, ou a plutôt tendance à reposer sur sa pointe ! Et l’aquarium n’est pas stable de lui-même. La dimension réduite du biotope (microscopique au regard du milieu naturel) empêche le développement de certains organismes (par exemple les phyto et zooplanctons dont le déficit dans l’aquarium n’est pas sans conséquence sur l’ensemble de la chaine trophique), le faible volume d'eau favorise les concentrations particulaires de détritus ou l’accumulation d’éléments difficilement recyclables. Le choix esthétique impose également des perturbations et une réduction volontaire de la biodiversité (suppression des algues, des indésirables en compétition avec les désirables (!), etc.).

Pour que les animaux, poissons, invertébrés de grande et petite taille, etc. puissent s’épanouir dans ce milieu il est nécessaire et indispensable de leur apporter des aliments complémentaires (j’insiste bien, il est hors de question d’affamer les animaux), c'est-à-dire une introduction artificielle de matière organique, généralement inerte, ‘par un court-circuit biologique’. La population assurant ‘le recyclage’ des déchets, décomposeurs et bactéries réductrices, doit alors être en mesure de faire face à ce déséquilibre. A nous de mettre en place les moyens d’y parvenir.

Le premier conseil serait de respecter au mieux les schémas naturels, choisir les organismes utilisant que peu de nutriments (poissons de tailles réduites par exemple), sous peupler l’aquarium en poissons (cette sous population est en fait toujours une surpopulation versus les conditions naturelles), préférer les espèces de coraux photosynthétiques a ceux qu’il faut nourrir de plancton, encourager la biodiversité et l’introduction de la microfaune, établir des zones refuges internes ou externes à l’aquarium pour préserver les petits organismes, évacuer notre répulsion devant certaines formes peu engageantes de vie, respecter les cycles de maturation, savoir patienter avant d’introduire les prédateurs, etc.

Traitement des déchets
Le traitement des déchets et de l’accumulation de substances s’avère cependant indispensable, il utilise deux techniques que l'on peut qualifier de complémentaires : Le recyclage biologique et l’extraction mécanique.

Filtre biologique
Le recyclage ou autoépuration biologique a été décrite dans les différentes techniques récifales ‘moderne’ : Pierres vivantes de la méthode berlinoise, filtre à gazon d'algues Adey, lits de sable vivants DSB ou Jaubert. Si la nitrification biologique est une étape facile à atteindre, le but de ces techniques est de rendre possible l’étape de ‘dénitrification’, et la réduction des molécules NO3 soit par le stockage et l'extraction des végétaux (Adey) soit par la transformation des bactéries anaérobies (Pierres vivantes, sable vivant, dénitrateurs sur soufre ou à alcool). Ces techniques sont actuellement utilisées parfois conjointement dans une même installation, les refuges algaux remplaçant partiellement les claies de culture Adey qui restent peu compatibles avec nos petits aquariums récifaux.
L'auto-épuration biologique est indispensable à l'équilibre de l'aquarium. La dimension du filtre est difficile à déterminer puisque soumise à variance et incertitude, on cite par exemple une quantité de 20% du volume en pierres vivantes, mieux vaut plus que moins et la capacité est en faite mesurée aux résultats obtenus.

Extraction mécanique exportation par changements d’eau
Pour réduire la charge organique devant être recyclée, l’extraction mécanique des déchets (fèces des poissons, débris organiques, etc.) constitue une bonne solution dans les installations risquant de produire des déchets importants. Cependant il faut être conscient qu'une filtration mécanique n’est pas suffisante et que seules les particules ‘piégeables’ sont capturables (!) , ce système connait donc des limites. Quels sont les moyens possibles de mise en oeuvre :

  • Le filtre à perlon, efficace avec les gros débris. Il faut prendre le soin de retirer régulièrement les particules capturées pour éviter leur dégradation nitrifiante.
  • L’écumeur, efficace avec certaines particules et même molécules (en revanche assez inefficace avec les NO4 et NO3)
  • Les 'échangeurs' ou filtres physico-chimiques à zéolithes ou résines
  • Les changements d’eau, qui présentent l’avantage de réduire toutes les accumulations indésirables de l’eau de l’aquarium et sont très simples à mettre en oeuvre. Cependant il faut juger de cette action.


Aparté concernant le changement d'eau. Cette méthode est sans conteste utile pour exporter les déchets. Voici une petite simulation, imparfaite car elle ne tiens pas compte de paramètres difficiles à modéliser, qui permet d’évaluer grossièrement l’efficacité de changements d’eau. Cette simulation fait actuellement l’impasse sur des paramètres tels que les nitrates introduits par l’eau de renouvellement, etc.

La simulation comporte 2 feuilles de calcul Excel, une pour l’accumulation d’éléments indésirables retirés de l’aquarium par le changement d’eau (pris comme exemple les nitrates), l’autre pour le remplacement d’éléments consommés ou vitaux au métabolisme des animaux (pris comme exemple le calcium). L'opération de changement d'eau réalisant conjointement ces deux fonctions.

Pour la première feuille (l'accumulation de substances indésirables), il est possible d’introduire la quantité de nitrates produits par jour par l'introduction de la nourriture, la quantité quotidienne extraite mécaniquement et biologiquement par la filtration, le pourcentage et la fréquence de changements d’eau réguliers ainsi que l’action de changements inhabituels de plus grand volume.

Deux stratégies sont confrontées et mise sous forme de graphique pour la comparaison de leur efficacité.

Premier exemple :
Premier exemple : Sont prises les hypothèses : Production de 1mg/l/jour de nitrate, réduction de 0,5mg/l/jour, pas de changement d’eau confronté à une politique de changement d’eau de 5% par semaine et 20% tous les trois mois.
La politique de non-changement d'eau voit une accumulation inéluctable dans le cas ou le filtre biologique est insuffisant (stratégie 1 en bleu), avec 5% de changement d’eau par semaine les nitrates sont ramenés à 50 mg/l (stratégie 2 en rouge), ce qui est encore insuffisant mais moins catastrophique.

Deuxième exemple :
Sont prises les hypothèses : Production de 1mg/l/jour de nitrate, réduction de 0,5mg/l/jour, changement d’eau de 5% par semaine et 20% tous les trois mois, confronté à un changement d’eau de 20% par semaine (ce qui est possible dans un petit aquarium).
Cet exemple montre que les changements de 20% ou plus effectués chaque semaine sont assez efficaces puisqu’avec les données d’entrée cette stratégie est suffisante alors que 5% par semaine et 20% tous les trois mois ne sont pas compatibles avec la maintenance d’invertébrés.

Troisième exemple :
Pris comme hypothèses : Production de 1mg/l/jour de nitrate, réduction de 0,5mg/l/jour, changement d’eau de 5% par semaine et 20% tous les trois mois, confronté à une production de 2mg/l/jour de nitrate, réduction de 0,5mg/l/jour, changement d’eau de 5% par semaine et 20% tous les trois mois.

Cet exemple montre que les changements d’eau doivent être également proportionnels aux nitrates accumulés chaque jour. Une variation de 1mg/l/jour fait au final une différence de 100mg/l pour des politiques de changements d’eau équivalentes.

Quatrième exemple… votre configuration.
La simulation sur Excel est en téléchargement à l’adresse http://microrecif.ovh.org/nanozine/evolutions.xls

Vous devez faire une mesure de vos nitrates avant et après changement d’eau pour évaluer la quantité produite chaque jour. Ensuite il reste à définir la meilleure stratégie pour rester à une valeur compatible avec votre population animale.

Quelques points à retenir
  • La population de l’aquarium doit être faite pour obtenir la meilleure stabilité biologique. Il faut savoir se modérer et connaitre les conséquences d'une introduction sur l'ensemble des autres animaux de l’aquarium,
  • Le traitement des déchets doit être en relation avec la population maintenue. Ainsi si la population de poissons est importante la filtration sera en conséquence très performante,
  • L’épuration biologique doit impérativement être mise en place, seule celle-ci permet une épuration correcte du milieu. La phase de dénitratation est indispensable dans un aquarium récifal,
  • La filtration mécanique (perlon-écumeur) apporte une aide amont qui peut s’avérer nécessaire, certes parfois en contradiction avec l’apport micro-nutritif mais indispensable avec les fortes productions de déchets,
  • Les échanges d’eau significatifs ont une action correctrice très intéressante mais limitée.
La disposition initiale et l’efficacité des moyens mis en place sont jugés aux résultats aussi observez toujours attentivement l'évolution de votre aquarium, n’omettez pas de mesurer les NO3 et PO4, si vous débutez ne mettez en oeuvre que des techniques simples et éprouvées.

Pour aller plus loin : La qualité de l'eau point fort du nano-récif

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